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ADDICTIONS : Le sevrage remanie le cerveau "en sens inverse"

Actualité publiée il y a 3 années 2 mois 4 jours
eNeuro
Le sevrage restructure à l'inverse l'architecture fonctionnelle du cerveau (Visuel Adobe Stock 332837726)

Les psychostimulants comme la nicotine et jusqu’aux substances comme la méthamphétamine et la cocaïne, affectent différentes régions du cerveau provoquant une dépendance. Dans « l’autre sens », leur sevrage restructure à l'inverse l'architecture fonctionnelle du cerveau, conclut cette équipe de neuroscientifiques de l’Université de Californie-San Diego. Ces travaux menés sur la souris et publiés dans la revue eNeuro décryptent ces changements, dont les modifications des réseaux neuronaux, et apportent des clés pour de nouveaux traitements de la dépendance.

 

Le développement de la dépendance et le sevrage mobilisent en fait une voie cérébrale commune qui jusque-là était restée « insaisissable ». Ainsi, l’équipe montre que chaque substance induit un schéma d'activité unique dans le cerveau, et que le sevrage partage pour chaque substance des caractéristiques similaires au processus de dépendance. Enfin, pour toutes les substances, les sevrages partagent un lien commun : une modularité réduite associée à l'état de manque.

 

Pour mener cette recherche, les scientifiques ont implanté des mini-pompes osmotiques chez des souris dépendantes soit à la nicotine, à la cocaïne, à la méthamphétamine et chez des souris témoins qui recevaient une solution saline. Les pompes sont restées en place pendant une semaine, avec un dosage et un temps suffisants pour créer un état de dépendance. Une fois les pompes retirées, les cerveaux de souris ont été examinés à l'aide d'une technique d’imagerie cérébrale de pointe. Les chercheurs observent que quel que soit le sevrage,

 

  • il se produit un remaniement majeur des régions du cerveau avec des augmentations majeures de la connectivité fonctionnelle dans tout le cerveau et une diminution du nombre de modules : précisément, les cerveaux sont organisés en groupes semi-autonomes de neurones dotés de fonctions spécifiques, comme le cortex, l'amygdale et le thalamus. Chaque région, cependant, est connectée et interagit avec d'autres régions créant alors une unité fonctionnelle ou module. C’est un peu comme différents postes de travail, un poste contrôle l’humeur, un autre gère les besoins, un autre les objectifs, un autre les souvenirs etc... Et le cerveau a besoin de plusieurs modules pour prendre en charge tous ces processus simultanément.

 

Au cours sevrage, le nombre de modules diminue de manière spectaculaire : c’est le constat effectué par les chercheurs sur des cerveaux de souris modèles de sevrage. Le cerveau semble alors globalement dédié à gérer l'effet de manque, tous les postes de travail étant alors voués à cette même tâche. C’est ce que les scientifiques appellent ici « une diminution de la modularité ».

 

Les réseaux cérébraux se restructurent : ainsi, le sevrage mobilise tous les postes du cerveau, d’où une réduction drastique du nombre de modules ou de la modularité, ce qui entraîne alors une restructuration complète des réseaux cérébraux. Un phénomène déjà bien documenté dans plusieurs troubles cérébraux chez l'homme, y compris les lésions cérébrales traumatiques et la démence.

 

C'est un processus commun à tous les sevrages : cette baisse de modularité apparaît présente quelle que soit la substance considérée. Cette modularité réduite s’avère associée à un déplacement des réseaux contrôlés par le cortex de niveau supérieur vers des réseaux sous-corticaux. Un effet déjà documenté chez l'Homme après un sevrage de l'alcool et chez les personnes souffrant de démence et de lésions cérébrales traumatiques. Une modularité réduite est associée à des déficits cognitifs et à un comportement inflexible qui peuvent expliquer l'obsession et le craving chez les usagers de substance « en manque ».

 

Ce type de restructuration cérébrale, observé pendant le sevrage quelle que soit la substance, permet de mieux comprendre (et caractériser) la dépendance. Des médicaments expérimentaux qui pourraient inverser et normaliser la modularité du réseau cérébral pourraient donc favoriser le sevrage. Des tests sont déjà en cours.


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