ANTIBIOTIQUES : La surconsommation française fait la Une de l'OMS
L’OMS pose la question : « Les antibiotiques sont-ils encore “automatiques” en France ? » et constate que la France reste l’un des plus gros consommateurs d’antibiotiques en Europe et que les tendances ne sont pas à la baisse. Dix ans après la première campagne publique française visant à réduire la prescription des antibiotiques, l'OMS analyse les résultats obtenus avec l’objectif de remobiliser l'attention mondiale autour de la propagation de la résistance antimicrobienne. Pour l’organisation internationale, en cause, le mode de rémunération des médecins français.
On se rappellera l'étude conduite par des médecins hospitaliers, de l'Institut Pasteur, de l'Inserm et des représentants de régimes d'assurance-maladie (travailleurs salariés et indépendants), publié dans la revue Plos Medicine (1) qui saluait, en juin 2009, l'efficacité du programme français, montré alors à titre d'exemple à l'évaluation d'autres programmes de santé publique de ce type dans le monde. Le bilan alors publié avait été une réduction de 25% en cinq ans de la consommation d'antibiotiques prescrits.
L'OMS constate aujourd'hui : 10 ans après le lancement de cette campagne, la France reste l'un des plus gros consommateurs d'antibiotiques en Europe et les tendances ne sont pas à la baisse. Dans son bulletin, rappelle que « Les antibiotiques, c'est pas automatique » était en fait le titre d'une campagne lancée en 2002 dans l'objectif de faire diminuer la prescription d'antibiotiques en France, que la campagne a depuis été reprise chaque année durant la saison grippale et qu'elle fait partie d'un programme gouvernemental plus large, lancé en 2001 pour préserver l'efficacité des antibiotiques, mené également auprès des professionnels de santé.
La France est l'un des 22 pays à haut revenu dont les mesures pour réduire l'utilisation d'antibiotiques entre 1990 et 2007 ont été évaluées par le Docteur Benedikt Huttner et ses collègues, dans le cadre d'une étude publiée par la revue britannique The Lancet en janvier 2010. Ils ont constaté que les campagnes ayant fait l'objet d'une évaluation formelle, comme celle menée en France, semblait entraîner une réduction de la consommation d'antibiotiques chez les malades vus en consultation, «tout au moins dans les pays fortement prescripteurs».
La campagne française n'est pas la première à avoir fourni des résultats conséquents : les campagnes organisées par la Belgique ont été créditées d'une réduction de 36% des prescriptions d'antibiotiques entre 1999 et 2000 et entre 2006 et 2007. En bref, si les résultats de la campagne française sont indéniables, la façon dont les Français prescrivent et consomment les antibiotiques suscite encore, neuf ans après son lancement, de grandes préoccupations à l'OMS.
Car la France reste proche du haut du tableau des consommateurs d'antibiotiques, derrière les «super-prescripteurs» Grèce et Chypre et « la moitié des prescriptions rédigées en France sont inutiles». «Nous avons enregistré une augmentation de 4% des prescriptions destinées à des adultes entre 2008 et 2009, cette augmentation étant encore plus forte lorsqu'on la mesure d'un hiver à l'autre, le saut approchant alors les 10% », écrit l'expert de l'OMS.
L'analyse de l'OMS : pour l'organisation, en cause le mode de rétribution des médecins français qui dépend du nombre de patients reçus et de l'intérêt financier à pratiquer des consultations aussi brèves que possible.
Il est clair que ce problème n'est pas spécifique à la France. «C'est dans la nature humaine» indique le Professeur John Conly du Centre for Anti¬microbial Resistance de l'Université de Calgary, au Canada et ancien Président du Conseil du Comité canadien sur la résistance aux antibiotiques. «Les médecins cèdent à la pression des patients pour un certain nombre de raisons, parmi lesquelles – selon le système de santé – la peur de perdre leurs patients».
Enfin, l'OMS revient également sur la menace du développement des résistances bactériennes liées au mauvais usage de ces médicaments et rappelle que sa prochaine Journée mondiale de la Santé, le 7 avril 2011, sera consacrée à la sensibilisation à cette problématique. Ce zoom de l'OMS fait justement suite aux résultats de l'enquête originale, menée par l'UFC-Que Choisir, dont les conclusions sont, globalement, une prescription trop systématique et irrationnelle d'antibiotiques par les médecins généralistes français.