ANTIDÉPRESSEURS : Pourquoi c’est si compliqué d’arrêter
Pourquoi est-il si difficile d’arrêter un traitement antidépresseur ? Cette équipe de psychiatres et de biologistes de l’Université de l'Illinois à Chicago nous apporte de premières explications qui mettent en exergue le rôle clé des radeaux lipidiques, des structures membranaires riches en cholestérol qui « flottent » à la surface des cellules. Ce décryptage des mécanismes moléculaires et cellulaires en cause dans l’action puis le retrait de ces médicaments, présenté dans la revue Molecular Pharmacology, nous aide à mieux comprendre ce syndrome de sevrage.
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On sait que l’effet des antidépresseurs actuels peut mettre environ 2 mois à s’estomper, en particulier chez les patients qui ont pris ces médicaments pendant des années. Le sevrage entraîne généralement des symptômes désagréables qui peuvent aller de sensations de type grippal, à des douleurs diffuses ou des démangeaisons et jusqu’à des symptômes de type « Parkinson ».
Une accumulation des antidépresseurs dans les radeaux lipidiques "du cerveau"
De précédentes recherches ont montré que les antidépresseurs s'accumulent progressivement dans ces structures membranaires riches en cholestérol appelées radeaux lipidiques. Normalement, lorsqu'un neurotransmetteur (comme la sérotonine qui est impliquée dans l'humeur) se lie à un récepteur présent à l'extérieur d'une cellule, une protéine du radeau lipidique, Gs alpha, transmet le signal à l'intérieur de la cellule ce qui peut déclencher ensuite toute une série d’actions. L'une de ces actions est la production d'une molécule de signalisation intracellulaire appelée AMP cyclique.
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- Dans le cerveau des personnes souffrant de dépression, l'AMP cyclique est faible ;
- avec un traitement antidépresseur efficace, les niveaux d’AMP cyclique reviennent à la normale ;
- avec un traitement antidépresseur non approprié, les niveaux d’AMP cyclique ne reviennent pas à la normale.
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Gs Alpha une protéine de signalisation clé : cette recherche s’est concentrée sur l'activité de la protéine du radeau lipidique, Gs alpha. A l’aide d’un marquage par fluorescence, les scientifiques ont pu suivre les molécules Gs alpha lors de leur déplacements vers, dans et hors des radeaux lipidiques. Ils constatent alors que :
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- si le retrait de certains antidépresseurs équilibre l'action du Gs alpha dans et hors des radeaux lipidiques,
- d'autres antidépresseurs suppriment le retour du Gs alpha vers les radeaux : une suppression qui constitue la cause des effets persistants et indésirables de certains antidépresseurs au sevrage.
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Le rôle clé des radeaux lipidiques : les radeaux lipidiques apparaissent en effet pertinents à la fois pour les effets thérapeutiques retardés mais aussi pour la difficulté à se sevrer de ces médicaments. Il faut beaucoup de temps pour que ces molécules soient éliminées des radeaux. Par ailleurs, les chercheurs montrent que d’autres types d’antidépresseurs à action rapide, et notamment la kétamine ont des effets similaires sur les radeaux lipidiques et la protéine Gs alpha, mais sans que ces mêmes effets ne perdurent. -Ce qui peut être considéré comme un avantage.
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Un nouveau biomarqueur : l’AMP cyclique produite à l’intérieur des cellules sous l’impulsion de la protéine Gs alpha est donc un très bon biomarqueur du fonctionnement des antidépresseurs. Sa mesure pourra bientôt permettre de personnaliser le traitement de la dépression. Ainsi, en évaluant comment les cellules d'un patient métabolisent les protéines Gs alpha, il est possible de prédire si l’antidépresseur « fonctionne » (l’action de Gs alpha doit être équilibrée et mener à la production suffisante d’AMP cyclique). Un tel test peut être effectué en quelques jours- ce qui évite d’attendre des mois avant de trouver le bon médicament.
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Une start-up, Pax Neuroscience, est en train de développer la technologie diagnostique pour le marché.
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On retiendra donc que des effets retardés ou les symptômes au sevrage des antidépresseurs sont ici liés à la persistance des médicaments dans les radeaux lipidiques qui empêchent -pour certains- le retour des protéines Gs alpha à l’intérieur des cellules du cerveau.
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