COCAÏNE : L'envie est enfouie dans le cortex infralimbique
Le cerveau humain est « plastique » : il peut se réorganiser pour apprendre, classer les souvenirs et même rompre de vieilles habitudes. Et si cette plasticité cérébrale pouvait aussi servir à supprimer les addictions, et en particulier l'usage de drogues ? C’est la question que s’est posée cette équipe de l’Université d'Iowa (UI) avec cette étude centrée sur le cortex infralimbique, une zone du cerveau clé dans le contrôle des comportements addictifs. Cette série d'expériences dans lesquelles des rats ont reçu de la cocaïne puis en ont été sevrés permet d’espérer de pouvoir reprogrammer cette zone du cerveau et de réduire la dépendance.
Le cortex infralimbique, une zone du cortex préfrontal situé vers l'avant de la tête, est impliqué la formation des habitudes et la régulation du comportement. Les chercheurs le comparent à un feu mental, vert ou rouge, qui va laisser passer ou bloquer des tendances « destructrices ». L’idée derrière ces travaux serait de parvenir à cibler cet interrupteur et à combiner cette approche avec une thérapie comportementale adaptée au sevrage puis à la prévention de la rechute, explique Andrea Gutman, chercheuse au Département des sciences psychologiques et du cerveau à l'UI.
Ce rôle clé du cortex infralimbique dans le contrôle des impulsions et de la dépendance est déjà connu mais le processus sous-jacent ne l’est pas. En particulier, l’équipe a cherché à voir s’il était possible de « manipuler » le cortex infralimbique pour inhiber les impulsions. L'équipe a donc mené toute une série d’expériences chez des rats qui ont reçu de la cocaïne pendant deux heures par jour durant 2 semaines. Les 2 semaines suivantes, les rats n'ont reçu aucune cocaïne lorsqu'ils appuyaient sur le levier du distributeur. Et quand ils se sont rendu compte qu'ils n’avaient plus de cocaïne, ils se sont mis à appuyer moins fréquemment sur le levier et, au bout de 2 semaines, ils se sont complètement arrêté d’appuyer. En d'autres termes, la plupart des rats ont appris à contrôler leur dépendance.
Lorsqu’on éteint le cortex infralimbique, la dépendance s’installe pour de bon : un deuxième groupe de rats est soumis au même traitement, mais leurs neurones sont « éteints » dans le cortex infralimbique chaque fois qu’ils appuient sur le levier pour accéder à la cocaïne. En faisant taire ces neurones pendant une période de 20 secondes chaque fois que les rats appuient, les chercheurs constatent qu’ils empêchent en fait les rats d'apprendre à freiner leur impulsion. Les envies des rats restent aussi intenses qu'au début de l'expérience, même après 2 semaines de privation. Cela suggère que privé de neurones, le cortex infralimbique n’est plus capable d’inhiber l’envie de cocaïne.
Calmer les neurones dans le cerveau, permet de s’adapter à l’absence de substance : des rats dont les chercheurs calment les neurones durant les 5 premiers jours de privation de cocaïne réussissent mieux à apprendre à s’en passer et s'adaptent peu à peu à l’absence de substance. Les rats dont les neurones sont totalement éteints en revanche, se montrent plus susceptibles de rechuter.
Bref, l’équilibre est fragile, mais ces résultats confirment le rôle clé du cortex infralimbique dans la régulation, voire la suppression du comportement addictif. Ils suggèrent aussi que manipuler cette zone pourrait permettre de freiner une mauvaise habitude et d’effacer peu à peu une addiction. Enfin, ces données pourraient également probablement s’appliquer à d’autres substances que la cocaïne contre lesquelles le cortex infralimbique pourrait donc aussi, être une cible prometteuse.
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