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COVID-19 : Comment il éponge la défense immunitaire de l'hôte

Actualité publiée il y a 4 années 3 mois 3 jours
American Journal of Physiology
Le virus serait doté d’une éponge à défense immunitaire qui bloque les mi-ARNs de défense de la cellule hôte (Visuel AdobeStock_330943474)

Cette équipe de scientifiques de l’University of Alabama at Birmingham décrypte une stratégie bien spécifique au coronavirus SARS-CoV-2 pour mieux nous infecter : le virus agit comme une « éponge » à microARNs afin d’épuiser les miARNs de l’hôte, ce qui facilite sa réplication virale en freinant la réponse immunitaire de l'hôte. Cette découverte documentée dans la revue American Journal of Physiology - Lung Cellular and Molecular Physiology contribue à expliquer les complications parfois sévères voire mortelles de COVID-19 alors que de nombreux autres coronavirus ne causent que des rhumes.

 

Ces scientifiques américains avec des collègues polonais proposent ainsi une première explication de l’agressivité du virus et de la sévérité de COVID-19 chez certains patients, à partir de l'analyse de la littérature et d'une étude bioinformatique de SARS-CoV-2 vs autres coronavirus.

« Une éponge à défense immunitaire »

Les microARN humains, ou miARN, sont des ARN courts non codants qui régulent l'expression des gènes en s’appariant avec des ARN messagers spécifiques de la cellule. Cet appariement fait taire l'ARN messager, l'empêchant de se traduire en protéines. Ainsi, les miARNs contrôlent le métabolisme cellulaire ou la réponse de la cellule au stress et aux pathogènes. Les miARNs ne représentent qu'environ 0,01% de l'ARN total des cellules et des tissus humains, alors que la réplication de l'ARN viral d'un virus comme le SARS-CoV-2 peut atteindre 50% de l'ARN cellulaire total.

 

Des sites de liaison pour des miARN spécifiques : le coronavirus possède des sites de liaison pour ses mi-ARNs différents des sites de liaison des miARNs trouvés sur les coronavirus qui causent simplement le rhume. Les chercheurs montrent que le nouveau coronavirus est plus pathogène grâce à ces sites de liaisons spécifiques des miARNs qui vont « éponger » sélectivement certains miARNs de la cellule hôte afin de perturber voire « déréguler » la cellule et finalement la priver de ses défenses.

 

Une analyse bioinformatique des liaisons entre miARNs : ici, les scientifiques utilisent une technique d’analyse bioinformatique assistée par ordinateur pour trouver des sites cibles de miARNs sur 896 séquences de miARN humains matures pouvant être ciblés par les génomes de coronavirus différents, dont SRAS, MERS et COVID-19 ainsi que 4 coronavirus non pathogènes. Cette analyse montre que le nombre de sites cibles est plus élevé dans le cas des virus pathogènes. Ces derniers ciblent des miARNs qui diffèrent des coronavirus humains non pathogènes.

 

COVID-19 cible ainsi un ensemble unique de 28 miARNs de la cellule hôte : les chercheurs constatent que la majorité de ces miARNs est bien exprimée dans les cellules épithéliales bronchiques et que leur dérégulation est bien rapportée dans les pathologies pulmonaires humaines qui incluent les cancers du poumon, la maladie pulmonaire obstructive chronique, la fibrose kystique et la tuberculose. En outre, de nombreux miARNs sont déjà documentés comme des suppresseurs de tumeurs et leur réduction est associée à un mauvais pronostic du cancer. En immobilisant ces mi-ARNs chez l’hôte, le virus « COVID-19 » favorise la survie des cellules infectées et donc leur cycle de réplication.

 

Le concept de l'éponge à ARN n'est pas nouveau : les éponges à ARN viral se sont révélées capables d'éliminer les miARNs de l'hôte avec les virus Epstein-Barr (EBV/herpès) et de l'hépatite C. Enfin, l’analyse de la littérature montre également que 9 des miARN cellulaires spécifiques épongés par le coronavirus permettent de répondre à des besoins cellulaires viraux.

 

En quoi le processus explique la sensibilité variable à l'infection ?  Une morbidité et une mortalité plus sévères est observée chez les patients plus âgés mais pas seulement. Cette sensibilité variable à l'infection pourrait s’expliquer par des différences individuelles entre les profils de miARNs des patients ; et chez les patients âgés, par une plus faible abondance de ces miARNs de « défense cellulaire ».

 

Ces travaux soutiennent donc l'hypothèse que les coronavirus humains pathogènes utilisent les miARNs de l'hôte pour déréguler les processus cellulaires de manière à faciliter la production de protéines virales.

 

«  Notre hypothèse nécessitera des validations », concluent les chercheurs « en commençant par l'évaluation des niveaux de ces miARNs dans les tissus infectés. Mais restaurer l'équilibre miARNs de l’hôte via des analogues pourrait conduire à de nouvelles stratégies thérapeutiques »