COVID-19 : Le coronavirus dévoile un premier talon d’Achille
Cet anticorps appelé CR3022, produit par un patient en réponse au SRAS, se lie également au nouveau coronavirus SARS-CoV-2 responsable de la pneumonie COVID-19. En cartographiant l’interaction de cet anticorps avec le nouveau coronavirus, ces travaux d’une équipe de scientifiques du Scripps Research nous livrent, dans la prestigieuse revue Science, de nouveaux indices de la vulnérabilité du nouveau coronavirus et l’espoir d’autres anticorps peut-être « plus efficaces » à le neutraliser.
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L’équipe de La Jolla, Californie, est connue pour ses études pionnières sur les anticorps liés aux virus, dont le VIH et la grippe. Ces études permettent « d’éclairer » la conception de vaccins et de médicaments à base d'anticorps, ainsi que d'autres thérapies. Comme des centaines d'autres laboratoires à travers le monde, l'équipe se concentre désormais sur le SRAS-CoV-2. Elle est aujourd’hui la première à cartographier l'interaction d'un anticorps humain avec le nouveau coronavirus à une résolution proche de l'échelle atomique. Bien que cet anticorps ait été produit en réponse à une infection du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), causée par SARS-CoV, cet anticorps réagit de façon croisée avec le nouveau coronavirus, le SRAS-CoV-2. Cette cartographie moléculaire révèle ainsi un site presque identique sur les deux coronavirus auxquels l'anticorps se lie, et suggère par là même, un site fonctionnellement important et vulnérable pour cette famille de coronavirus.
C'est une première preuve qu'il existe certainement des anticorps, encore à découvrir, capables de neutraliser efficacement SARS-CoV-2
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Quelles implications ? La connaissance de sites conservés -ici entre SARS-Cov et SARS-CoV-2- va être utile pour concevoir un vaccin et/ou des médicaments contre le SRAS-CoV-2 mais également contre d'autres coronavirus -dont « ceux qui pourraient émerger à l'avenir », explique l’auteur principal, Ian Wilson, directeur du département de biologie au Scripps Research. L’objectif ultime est d'obtenir des informations structurelles sur les anticorps et leurs sites de liaison, et de les utiliser pour concevoir un vaccin contre le SRAS-CoV-2 : si le degré élevé de similitude entre SARS-CoV et SARS-Cov-2 implique que le site en question a une fonction importante qui serait perdue si le virus mutait de manière significative, cette fonction du site reste mystérieuse.
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Un anticorps « indirectement » neutralisant : l'analyse de l’équipe du Scripps révèle que le site de liaison des anticorps est relativement éloigné de la partie du virus qui saisit les récepteurs des protéines de surface cellulaire en préparation de la pénétration des cellules dans nos poumons. Cela suggère que, au moins pour le SRAS-CoV, CR3002 neutralise la capacité du virus à infecter les cellules d'une manière indirecte. « Nous constatons », écrivent les scientifiques, « que cette région est généralement cachée à l'intérieur du virus, et n'est exposée que lorsque cette partie du virus change de structure, comme ce serait le cas dans les infections naturelles. Ainsi, l'anticorps semble se lier beaucoup moins étroitement au SRAS-CoV-2 qu'il ne le fait au virus du SRAS, et ne peut pas neutraliser directement le SARS-CoV-2.
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Mais l'identification du site de vulnérabilité est cruciale : ces travaux suggèrent en effet que le site de liaison de cet anticorps sur le SRAS-CoV-2 est un site de vulnérabilité, et que les anticorps pouvant s’y lier plus étroitement réussiraient vraisemblablement à neutraliser le virus. La découverte de ce site est donc importante. Car tels anticorps neutralisants pourraient être utilisés pour traiter des patients infectés à COVID-19 et apporter aussi une protection temporaire contre le virus à des personnes non infectées, comme les professionnels de santé par exemple.
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De plus, que ce site de liaison soit conservé entre SARS-CoV et SARS-CoV-2 suggère qu’il existe certainement des anticorps, encore à découvrir, capables de neutraliser efficacement les 2 coronavirus - et peut-être d’autres…Des équipes du monde entier travaillent actuellement à la recherche d'anticorps, notamment dans le plasma sanguin de patients ayant récupéré.