COVID-19 : Un mécanisme de mutation saisonnière identifié
La région protéique de la pointe virale de SARS-CoV-2 semble équipée pour détecter la température et suivre des modèles de mutation saisonnière : c’est la découverte d’une équipe de virologues de l'Université de l'Illinois, qui s’est inspirée du blanchissement des récifs coralliens pour identifier la protéine sur la pointe du virus (Spike), qui entraîne ces modèles de mutation saisonnière. Ces travaux contribuent à expliquer, de manière scientifique, un sentiment largement partagé, oui le virus circule plus en hiver.
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Ainsi, cet hiver 2021 est marqué par une nouvelle vague de COVID-19 et une nouvelle variante Omicron à forte capacité de transmission mais dont on ignore encore la virulence exacte. Une nouvelle vague pas nécessairement liée à l’émergence du variant Omicron, mais plutôt à la saisonnalité de la maladie, conclut la recherche : l'équipe de l'Illinois apporte en effet de nouvelles preuves que COVID-19 est bien une maladie saisonnière. L’auteur principal, Gustavo Caetano-Anollés, professeur de biologie génomique à l'Université de l'Illinois ajoute : « Nous le savions intuitivement. Nous savons que rester à l'intérieur et fermer les fenêtres augmente la transmission ». Cette nouvelle analyse contribue à expliquer pourquoi, quelles que soient les variantes et vagues, la maladie circule de façon saisonnière à travers le monde depuis près de 2 ans.
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Un coupable moléculaire responsable de la nature saisonnière du virus.
Cette découverte d’une protéine responsable de la nature saisonnière du SARS-CoV-2, contribue bien entendu à confirmer et à expliquer ce caractère saisonnier mais pourrait également aider à prédire les mutations futures et ainsi ouvrir la voie, de manière précoce, à de nouvelles thérapies ou vaccins.
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Il s’agit précisément d’un capteur viral qui répond aux modèles saisonniers externes de l'environnement et de la physiologie. Localisé dans le domaine N-terminal (NTD pour N-terminal domain), situés sur le côté de la protéine spike, ce capteur appartient à une grande catégorie de protéines appelées lectines. Tous les organismes fabriquent des lectines ; ces protéines reconnaissent et se lient aux glucides et façonnent les réponses immunitaires adaptatives et innées. Les lectines sont également connues pour aider les virus et autres microbes à se fixer aux cellules hôtes. Or, récemment, des scientifiques ont découvert que
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certaines lectines jouent un rôle dans la détection des changements de température dans l'environnement.
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Des récifs coralliens éclairent le caractère saisonnier du COVID-19 : en 2019 en effet, des scientifiques chinois ont découvert qu'un type de lectine, la galectine, était impliqué dans la reconnaissance entre les dinoflagellés photosynthétiques (microalgues unicellulaires de couleur rouge-orangé) et les polypes coralliens (coraux). Mais ce mécanisme de reconnaissance ne fonctionnait pas aussi bien lorsque la température de l'eau se situait en dehors d'une bande thermique étroite : 25-30 degrés Celsius. Ainsi, ces lectines, les galectines détectent les températures extérieures et contribuent à expliquer blanchissement des coraux.
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Capteur de température et interrupteur du mécanisme infectieux : l’analyse ici de milliers de génomes du SRAS-CoV-2 permet d’identifier une structure semblable à la galectine sur la protéine de pointe : une protéine de type galectine capable de détecter les conditions extérieures et, lorsqu'il ne fait pas trop chaud ou humide, déclenche un changement de conformation de la protéine de pointe du virus, permettant à l'ARN viral de pénétrer dans les cellules hôtes. En d’autres termes, lorsque la température est élevée, ce capteur « empêche le virus à déverser son contenu infectieux ». Mais dans des conditions fraîches et sèches, le capteur reconnait la cellule hôte et permet au virus de libérer un peptide de fusion qui aide à fusionner le virus avec la membrane de la cellule hôte. « Cela permet alors au virus d'entrer dans la cellule et de se répliquer ».
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Evolution du virus, évolution du capteur : tous les virus changent constamment. Lorsqu'une partie particulière du génome commence à changer plus rapidement, cette mutation rapide est le signal que le virus explore de nouvelles et meilleures façons de survivre et de se propager à l'intérieur de son hôte. Les scientifiques s'attendent donc à ce que ces mutations rapides surviennent dans les régions responsables de la transmission, de l'infectiosité et de l'échappement immunitaire, car c’est bien là qu’elles sont les plus utiles pour le virus. La détection de l'environnement étant importante pour le virus, il apparaît logique que ce capteur, de type galectine, fasse partie de ces régions et que son rôle soit intimement lié à l'infection virale. Ainsi, la recherche confirme que cette structure de type galectine est une cible fréquente de mutations car elle aide le virus à échapper ou à moduler les réponses physiologiques de l'hôte pour favoriser sa propagation et sa survie.
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Le suivi des mutations dans la région de la protéine galectine conduit les chercheurs à identifier un schéma saisonnier à travers le monde. En se concentrant sur les changements génomiques identifiés sur des virus du monde entier, les scientifiques découvrent que de nombreuses mutations se produisent dans le domaine NTD de la protéine de pointe, là justement où se trouve la structure de type galectine.
- Le virus sait muter pour s’adapter aux changements de saison : le suivi de la prévalence des mutations dans cette structure durant la pandémie permet en effet d'identifier un modèle saisonnier dépendant de l'hémisphère de circulation. « Comprendre comment ce processus de diversification virale et d’adaptation aux saisons est crucial pour les mesures d'atténuation. »
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Les chercheurs poursuivent l’analyse de millions de séquences virales acquises dans le monde pour déterminer comment la constitution génomique modifie le comportement du virus et espèrent pouvoir maintenant décrypter le mécanisme moléculaire sous-jacent à la saisonnalité de COVID-19.
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Mais, d’ores et déjà « cette protéine de type galectine devrait devenir une donnée fondamentale pour la prévision, l'atténuation et la prise de décision éclairée en matière de santé publique ».