INFECTIONS NOSOCOMIALES : Comment les bactéries se déplacent et envahissent ?
Cette étude expérimentale de biologistes de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) décrypte comment les bactéries naviguent sur les surfaces à coups de secousses musculaires ou myoclonies, avec l’aide de leurs pili mais aussi grâce à un véritable sens du toucher. Ces observations, les premières du genre, ici effectuées sur la bactérie Pseudomonas aeruginosa, non seulement éclairent le mode de développement des infections nosocomiales mais suggèrent qu’en identifiant le mécanisme moléculaire sous-jacent à ce sens du toucher des bactéries, il serait possible de trouver le moyen de les priver, au moins en partie, de leur capacité de propagation. Une recherche à découvrir dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine, qui suggère finalement de bloquer les bactéries dans leur motilité.
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De nombreuses bactéries pathogènes telles que Pseudomonas aeruginosa rampent sur les surfaces grâce à une motilité caractérisée par des secousses musculaires : leurs pili ou filaments, épais de l'ordre du nanomètre, sont connus pour provoquer ces contractions, mais on ignore quels sont les signaux sensoriels qui coordonnent le mouvement. Ici, l’équipe de biologistes suisses identifient un mécanisme, comparable similaire à notre sens du toucher qui permet aux bactéries de naviguer sur les surfaces.
Une nouvelle compréhension de la motilité des bactéries
Les scientifiques savent que les cellules humaines et animales peuvent se déplacer sur différents types de surfaces rigides ou plus molles, mais ignorent si les bactéries sont réellement capables d’orienter leur mouvement. En effet, la plupart des études se sont concentrées sur les mécanismes qui guident les bactéries à se diriger vers des composés chimiques (ou sur des stimuli chimiques), un phénomène connu sous le nom de chimiotaxie.
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Une approche "mécaniste" : ici, l’équipe s’est plutôt concentrée sur la façon dont les bactéries détectent, réagissent et exploitent les forces mécaniques.
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- Sur le pilus ou les pili : de précédentes études avaient montré que le pilus de Pseudomonas fonctionne comme un harpon : après s'être étendu et avoir atteint une surface, le pilus active un moteur moléculaire qui rétracte le filament, propulsant ainsi la cellule vers l'avant.
- Sur la coordination de la motricité des pili : l’équipe examine ici comment se déplacent les bactéries Pseudomonas sur des surfaces telles que le fond d'une boîte de pétri. L'équipe suspectait qu’un réseau de protéines appelé système « Chp » pouvait réguler les contractions musculaires. L’équipe montre que des bactéries dépourvues de différents composants du système Chp ne parviennent plus à se déplacer, même si elles continuent à bouger, incapables de s’orienter ou de contourner un obstacle.
- Enfin, certaines bactéries dont Pseudomonas aeruginosa utilisent leurs pili pour réguler la sécrétion de toxines.
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En combinant des marqueurs fluorescents et une technique de microscopie permettant d'observer des pili uniques dans des cellules vivantes, les chercheurs identifient :
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- une protéine messagère qui induit les pili à s'étirer, permettant alors à la cellule bactérienne « d’aller de l'avant » ;
- une autre protéine inhibe la formation de pili à l'avant de la cellule en mouvement afin d’éviter de freiner son mouvement ;
- lorsque les bactéries heurtent un obstacle tel qu'une autre cellule, l'inhibiteur leur permet de s'arrêter et de changer de direction : ainsi, les cellules naviguent en fonction de ce qu'elles perçoivent à l’avant
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« un peu comme une personne non-voyante qui utiliserait une canne blanche »,
explique l’auteur principal, Alexandre Persat, professeur à l’Ecole des sciences de la vie de l’EPFL. Une capacité de détecter l'environnement environnant particulièrement utile lorsque les bactéries se déplacent en groupe, car cela leur permet d’avancer toutes dans la même direction.
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Quelles implications ? La manière dont les bactéries se déplacent permet d’expliquer la manière dont elles envahissent et colonisent les surfaces. Dans le cas de Pseudomonas aeruginosa, par exemple, cela a déjà d’importantes implications, puisque la bactérie est l'une des principales causes d'infections nosocomiales. Des agrégats de bactéries Pseudomonas se forment ainsi sur des surfaces telles que les cathéters et les respirateurs et peuvent être extrêmement résistants aux désinfectants et aux antimicrobiens.
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Il reste à découvrir comment les bactéries convertissent un stimulus mécanique en une réponse cellulaire, le mécanisme moléculaire sous-jacent à ce sens du toucher des bactéries pouvant être une cible antibactérienne prometteuse.
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