LOCKED-IN SYNDROME : Peut-on être enfermé et heureux de vivre ?
Il s’agit précisément du locked-in syndrome, et d’une étude publiée par le BMJ Group sur l'auto-évaluation du bien-être chez une cohorte de patients atteints. La plupart des patients enfermés par ce "locked-in syndrome" déclarent qu'ils sont heureux et un certain nombre de facteurs signalés par ceux qui déclarent être malheureux pourraient être bien améliorés, suggère cette étude, la plus grande jamais réalisée sur le sujet et publiée dans la nouvelle édition « Open » du British Medical Journal.
Le locked-in syndrome décrit une situation dans laquelle une personne est pleinement consciente, mais est incapable de se déplacer ou de communiquer, sauf par le biais de mouvements oculaires ou de clignotements d'œil. Le syndrome est causé par une lésion du tronc cérébral, et les personnes touchées peuvent survivre pendant des décennies. Des résultats qui sont susceptibles de remettre en question la perception que ces patients ne pourraient pas tirer bénéfice d'une qualité de vie et ne seraient que candidats à l'euthanasie ou au suicide assisté, expliquent les auteurs. Cette équipe de recherche a interviewé, par questionnaires adaptés, 168 membres de l'Association française pour le locked-in syndrome sur leurs antécédents médicaux, leur état émotionnel, et leurs points de vue sur les questions de fin de vie. Au total, 91 personnes ont répondu, soit un taux de réponse de 54%.
Il n'apparait pas de différences évidentes entre les patients qui ont exprimé le bonheur ou le malheur, mais la dépression, les pensées suicidaires, le désir de ne pas être réanimé en cas de besoin, ou d'euthanasie s'avère, sans surprise, plus fréquents chez les patients qui se déclarent malheureux. Plus de la moitié des répondants reconnaissent de sérieux freins sur leur capacité à se réinsérer dans la collectivité et à mener une vie normale. Seulement un patient sur cinq se déclare capable de participer à des activités quotidiennes qu'il juge importantes.
Néanmoins, la plupart des patients (72%) se déclarent heureux.
Seulement 4 des 59 personnes (7%) qui ont répondu à la question leur demandant s'ils voulaient opter pour l'euthanasie, ont dit qu'ils voulaient faire.
• 64% se déclarent capables de vivre à la maison ;
• 60% déclarent conserver un liberté partielle ou totale de mouvement à leur domicile ;
• 53% déclarent sortir en ville ou se déplacer à l'extérieur, parfois ;
• 60% à 80% déclarent avoir une occupation professionnelle satisfaisante, des loisirs et des activités sociales ;
• 68% n'ont jamais eu de pensées suicidaires ;
• 13% ressentent la dépression ;
• 67% ressentent une anxiété modérée ou sévère ;
• 46% ressentent une douleur modérée ou sévère ;
• 58% ne souhaiteraient pas de réanimation après un arrêt cardiaque ;
• 53% envisageraient l'euthanasie ;
Parmi les 28% de patients « non satisfaits », ce sont les difficultés pour se déplacer, les restrictions sur les activités de loisirs et sociales, les difficultés à faire face aux événements de la vie qui sont « sources de malheur ».
Un plus grand effort misé sur la réadaptation et un traitement plus agressif de l'anxiété pourraient faire une grande différence, disent les auteurs, qui soulignent qu'un an ou plus est nécessaire à l'adaptation de ces patients à leur nouvelle condition. "Nos données montrent que, quelle que soit le handicap physique et la détresse mentale des patients pendant la phase aiguë de la maladie, les soins de vie adaptés peuvent avoir d'importants bénéfices à long terme (…) Nous suggérons que les patients ayant été récemment frappé par ce syndrome puissent être informés qu'avec des soins appropriés, ils ont une chance considérable de retrouver une vie heureuse ».