MEDIATOR : Jacques Servier en justice, face à 116 plaintes et un rapport accablant
Il y a 48 heures seulement, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) publiait son rapport sans appel, relevant les pressions exercées par des personnes appartenant aux laboratoires Servier ou ayant des liens d’intérêt avec eux sur des acteurs ayant participé à l’établissement de la toxicité du Mediator®. Toujours selon la mission de l’IGAS, « Les laboratoires Servier, pendant 35 ans, seraient intervenus "sans relâche" auprès des acteurs de la chaîne du médicament pour pouvoir poursuivre la commercialisation du Mediator®». Un rapport accablant pour le fondateur et président du laboratoire Servier, Jacques Servier, fabricant du Mediator, cité à comparaître le 11 février devant le tribunal de grande instance de Nanterre à la suite des 116 plaintes déposées par l'Association des victimes de l'isoméride et du Mediator (Avim).
Rappelons que commercialisé en France de 1975 à novembre 2009, le Mediator®, du laboratoire Servier présentait un risque de complications graves dans 0,5 cas pour 1000. Pourtant, la suspension de son AMM aura pris plus de 12 ans et causant de 500 à 2.000 décès en France. L'Association des victimes de l'isoméride et du Mediator (Avim), a regretté l'absence de négociation possible avec les Laboratoires Servier et a avancé sur la voie de la procédure devant le Tribunal de Grande Instance avec la désignation d'experts médicaux judiciaires. Jacques Servier, 88 ans, est donc appelé, ainsi que le directeur général délégué et pharmacien responsable du laboratoire, à comparaître le 11 février à 13H30 devant la 15e chambre correctionnelle du TGI de Nanterre.
Xavier Bertrand, qui a reçu, le 15 janvier, les inspecteurs de la mission IGAS sur le Médiator pendant près de 4 heures, reconnaît d'ores et déjà l'implication active des laboratoires Servier dans cette affaire : « Ce rapport établit clairement qu'il y a eu des défaillances graves dans le fonctionnement de notre système du médicament. Et je tiens à le préciser, la mission de l'IGAS ne pouvait porter et ne porte que sur la sphère administrative. Les inspecteurs n'ont pas pu entendre, par exemple, les hommes politiques, les ministres, qui se sont succédé dans leurs fonctions. Mais comme l'indiquent les inspecteurs, le déroulement des événements qu'ils ont relatés est très largement lié au comportement et à la stratégie des laboratoires Servier ».
Jean-Marie Le Guen, ex Président du conseil d'administration de l'APHP, medecin et député, réclame une position sans faille de l'Etat : « Depuis son arrivée au ministère de la Santé, Xavier Bertrand semble mesurer la gravité du drame sanitaire causé par le Mediator, mais il ne peut pas en rester là . Au niveau de l'action judiciaire, on sent une gêne, une hésitation. Il faut à tout prix éviter que le procureur ne prenne des initiatives incertaines faute d'un engagement clair de l'Etat. La Cnam a saisi la justice, l'Etat doit lui aussi porter plainte contre X pour défendre l'intérêt des malades ». « Il faut placer sous séquestre les biens de Servier » puis : « L'Etat doit hausser le ton et porter plainte contre Servier ».
Les victimes seront intégralement prises en charge par l'assurance maladie a annoncé dès fin décembre le ministre de la Santé lors de la réunion du comité de suivi piloté par la Direction générale de la Santé. Information, prise en charge intégrale des examens et indemnisation des usagers concernés, les Associations posent la question, la collectivité devra-t-elle assumer pour un dysfonctionnement du circuit du médicament ou le laboratoire sera-t-il mis à contribution ? Compte tenu des défaillances graves du fonctionnement du circuit du médicament et donc de certaines de nos institutions de santé et étant données les interventions actives du laboratoire, ce dernier sera-t-il le seul à assumer ce drame sanitaire ?