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MEDIATOR : Reconnu dangereux dès 1995, selon le rapport de l'IGAS

Actualité publiée il y a 13 années 11 mois 2 semaines
IGAS

Dès 1995, la DGS interdit l’ensemble des anorexigènes dont le Benfluorex. C'est l'une des conclusions du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) très attendu, publié le 15 janvier. 6 semaines de travail, une centaine d’auditions et l’étude de dossiers scientifiques et administratifs publiés sur 40 années. Ce rapport qui réussit à reconstituer l’historique des faits et des choix de l’autorisation du Mediator en 1974 à son retrait en 2010, conclut que le Mediator® aurait du être retiré dès 1995. Si les directeurs successifs de l’Afssaps et les ministres n’étaient pas informés de manière correcte, la mission écrit avoir eu connaissance de pressions exercées par des personnes appartenant aux laboratoires Servier ou ayant des liens d’intérêt avec eux sur des acteurs chargés de l’établissement de la toxicité du Mediator®.

Dès l'origine, les laboratoires Servier auraient positionné le Mediator® (Benfluorex) en décalage avec sa réalité pharmacologique. Car la fenfluramine et le benfluorex dérivent de la même molécule, la norfenfluramine, une molécule proche de l'amphétamine. Or il sera établi dès 1995, que la fenfluramine est une molécule dangereuse qui sera d'ailleurs alors restreinte drastiquement dans sa prescription. L'Igas conclut donc que si la fenfluramine, toxique, agit principalement par l'intermédiaire de la norfenfluramine, comment ne pas suspecter dès 1995, le benfluorex qui agit, lui aussi, par le biais de la norfenfluramine ? Mais le laboratoire Servier, précise la mission « se défendra » tout au long de la commercialisation du benfluorex (Mediator®) en affirmant que le benfluorex est lui-même une molécule spécifique au sein des fenfluramines et qu'il possède des propriétés sur le métabolisme des graisses et des sucres qui en font l'originalité et l'intérêt.


Pendant 33 ans, de 1976 à 2009, les patients traités par le Mediator® ont en réalité absorbé une amphétamine : L'Afssaps, interrogée par l'Igas sur la pharmacologie du benfluorex, répondra que le benfluorex est complètement métabolisé et ne circule dans le plasma qu'à des concentrations indétectables, car il est immédiatement transformé en son métabolite S422, puis en métabolite S1475 et en norfenfluramine (S585). Or les doses préconisées pour le benfluorex (450 mg/j) correspondent en réalité aux doses nécessaires pour atteindre une même concentration plasmatique de norfenfluramine (environ 50ng/ml). En bref, pendant 33 ans, de 1976 à 2009, tous les patients traités par le Mediator® ont en réalité absorbé de la norfenfluramine à des doses efficaces.

Dès 1995, la DGS interdit l'ensemble des anorexigènes dont le Benfluorex : En 1992, une vaste étude pharmaco-épidémiologique (étude IPPHS) est lancée sur les effets des fenfluramines en termes de santé publique. En 1995, l'étude conclut à l'existence d'un risque d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) lié à l'usage des anorexigènes en général et des fenfluramines en particulier. Si, en 1995, la DGS interdit l'ensemble des anorexigènes dont le Benfluorex dans les préparations magistrales, comme le Mediator® est la seule spécialité pharmaceutique bénéficiant d'une AMM, sa commercialisation reste autorisée sous forme de spécialité pharmaceutique par l'agence du médicament parce que celle-ci ne le considère pas comme un anorexigène.

Le système de pharmacovigilance défaillant : Dès lors (mai 1995) le benfluorex sera sous enquête officieuse puis dès mai 1998, sous enquête officielle. Pourtant, pendant 10 années, de 1995 à 2005, ce point ne sera pas inscrit à l'ordre du jour de la Commission Nationale de Pharmacovigilance, en dépit de 17 réunions. Le benfluorex fera l'objet de nombreuses réunions du groupe européen de pharmacovigilance à partir de septembre 1998, suite à une demande de l'agence du médicament italienne. Le 3 octobre 2003, l'agence du médicament espagnole informe l'Agence européenne d'un cas de valvulopathie cardiaque. La firme va demander le retrait du benfluorex en Espagne et le laboratoire va demander également le retrait du benfluorex en Italie. La mission s'étonne que cette information n'ait été communiquée en ces termes ni au CTPV ni à la CNPV. Les alertes répétées sur le mésusage du benfluorex ne seront pas prises en compte. L'agence sera alertée à 3 reprises entre 1997 et 1998 notamment par un courrier signé de 3 médecins conseil nationaux de l'assurance maladie mais ces alertes ne seront pas répercutées devant les commissions de pharmacovigilance.

Le 10 février 1999, un cas de valvulopathie aortique est notifié au CRPV de Marseille qui l'inclut dans la base nationale le 16 février 1999. Un autre cas d'HTAP est notifié en juin 1999. Selon l'Igas, le benfluorex aurait dû figurer à « l'ordre du jour » de la CNPV du 7 juillet 1999. « De 1999 à 2005, le progrès dans les connaissances scientifiques et la montée des cas rendent incompréhensibles l'inertie puis les propositions inadaptées de la pharmacovigilance », explique la mission. On connaît la suite…

Des pressions exercées par des personnes appartenant aux laboratoires Servier ou ayant des liens d'intérêt avec eux sur des acteurs ayant participé à l'établissement de la toxicité du Mediator® sont relevées par la mission qui va signaler ces pratiques à l'autorité judiciaire. Mais la mission estime qu'aucun des directeurs généraux qui se sont succédés à la tête de l'Afssaps n'a été informé de manière correcte jusqu'à la fin de l'année 2010, ce qui n'exonère pas ces directeurs de leurs responsabilités, relève la mission. « De même, il semble qu'aucune information sanitaire sur le risque du Mediator® n'ait été portée à la connaissance des ministres avant que la décision de suspension ne soit imminente…

Les laboratoires Servier, pendant 35 ans, seraient intervenus "sans relâche" auprès des acteurs de la chaîne du médicament pour pouvoir poursuivre la commercialisation du Mediator® et pour en obtenir la reconnaissance en qualité de médicament anti-diabétique. Pour reprendre une expression revenue à plusieurs reprises dans les témoignages recueillis par la mission, elle a « anesthésié » ces acteurs de la chaîne du médicament et même, elle les a « roulés dans la farine » ;

Enfin, la mission de l'Igas identifie un certain nombre d'anomalies majeures de fonctionnement et conclut que la multiplicité des instances sanitaires chargées du médicament, leur cloisonnement et la complexité de leur fonctionnement rendent le système lent, peu réactif et contribuent à une dilution des responsabilités ;

Rappelons enfin que le Mediator a fait 500 à 2.000 victimes et que les auditions faisant suite au dépôt de 116 plaintes sont en cours.