NEURO: Une seconde langue c'est une autre vision du monde
Deux langues mettent l'accent différemment sur les actions et leurs conséquences, ce qui influence finalement la vision du monde, explique cette étude de l’Université de Lancaster. « 2 languages, 2 minds », titre l’étude publiée dans la revue Psychological Science et commentée dans la revue Science. Des travaux qui concluent finalement que les personnes bilingues vont prendre le meilleur des 2 visions du monde et avoir une pensée « plus flexible » d'une vision à l'autre.
Parler plusieurs langues tient la démence à distance, avait déjà suggéré cette étudede l'Université d'Edinbourg, qui estimait à 5 ans le délai « gagné » sur le développement du déclin cognitif chez les personnes bilingues ou trilingues. Le bilinguisme peut donc améliorer la cognition en activant en permanence les deux langues quel que soit le choix de la langue. Le cerveau est ainsi constamment exercé et a moins d'effort à faire pour accomplir d'autres tâches cognitives, selon une autre étude de la Northwestern University. Cette étude est la première à suggérer que parler deux langues, c'est aussi avoir deux visions différentes du monde.
On fait son apprentissage en classant les objets et des événements dans des catégories identifiables. La ou les langues affectent-elles ce processus ? Le commentaire publié dans la revue Science rappelle de précédentes études et leurs conclusions surprenantes*. Soit :
- les russophones, sont plus rapides que les anglophones, Ã distinguer les nuances de bleu,
- les japonais ont tendance à regrouper des objets par matériau plutôt que par forme, alors que les Coréens vont se concentrent plutôt sur la façon dont les objets s'emboîtent et se complètent.
«2 esprits peuvent-ils cohabiter au sein d'une seule personne ? », s'est demandé ici, l'équipe de Lancaster, menée par le Pr Panos Athanasopoulos, du Département of Linguistics and English Language. Elle le suggère avec cette étude menée auprès de groupes de 15 participants, parlant soit anglais, soit allemands, soit bilingues anglais-allemand ou allemand-anglais :
La première expérience : Les participants sont invités à regarder une série de clips vidéo qui montre des gens en train de marcher, faire du vélo, courir, ou conduire. A l'occasion de chaque série, les chercheurs demandent aux participants de décider si une scène ambiguë poursuit un objectif ou non.
· Les germanophones associent ces scènes ambiguës avec un objectif dans 40% des cas, vs 25% pour les anglophones. Les germanophones semblent donc plus concentrés sur le résultat, les anglophones sur l'action elle-même.
· Les bilingues, quant à eux semblent basculer entre ces deux tendances en fonction de leur langage dominant :
· 15 participants allemands parlant couramment l'anglais sont tout aussi axés sur l'objectif, lors d'un essai en allemand mené dans leur pays d'origine.
· 15 participants allemands parlant couramment l'anglais, testés en anglais et au Royaume-Uni se montrent plus axés sur l'action et moins sur l'objectif.
Une seconde expérience montre que les personnes bilingues peuvent également changer de perspectives lorsqu'ils changent de langue et de contexte. 30 participants bilingues allemand-anglais, invités à répéter des chiffres à haute voix en anglais ou en allemand, tout en regardant les vidéos en anglais ou en allemand,
· vont opter alors pour la tendance plus axée sur l'objectif, lorsque les vidéos sont en allemand,
· ou se reconcentrer plutôt sur l'action, quand es vidéos sont en anglais.
Des résultats qui suggèrent que la seconde langue joue un rôle important dans l'élaboration de la perception inconsciente, avec des effets liés aux contextes et transitoires. « En parlant une seconde langue, vous avez une vision alternative du monde », conclut l'auteur Panos Athanasopoulos. « C'est comme écouter de la musique à partir d'une seule enceinte ou alors en stéréo… ». L'implication est importante en particulier dans notre contexte de mondialisation. Parler plusieurs langues permet de prendre différents points de vue et de passer de l'un à l'autre.
Sources:
Science 17 March 2015 DOI: 10.1126/science.aab0331 Speaking a second language may change how you see the world
Psychological Science March 6, 2015, doi: 10.1177/0956797614567509 Two Languages, Two Minds
*PNAS 2007 Apr 30. doi: 10.1073/pnas.0701644104 Russian blues reveal effects of language on color discrimination
*Cognition 1 February 1997 doi:10.1016/S0010-0277(96)00784-6 A cross-linguistic study of early word meaning: universal ontology and linguistic influence
Lire aussi: DÉVELOPPEMENT: Les cerveaux bilingues mieux équipés pour traiter les données –
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