OPIOÏDES : L’inflammation gastrique, l’autre effet indésirable
Le risque de dépendance est certainement plus médiatisé concernant les opioïdes, et l’on parle aujourd’hui d’une véritable « crise » en Santé publique. Cette étude documente un autre effet indésirable, méconnu : les problèmes gastro-intestinaux associés à un effet d’inflammation gastrique. L’étude, expérimentale, publiée dans l’American Journal of Pathology, suggère que les patients sous opioïdes pourraient bien bénéficier de médicaments inhibiteurs de la pompe à protons, afin de limiter ces effets gastriques.
En pratique, le traitement par morphine augmente la sécrétion d'acide gastrique et retarde la vidange gastrique, ce retard étant médié par l'interleukine 6 (IL6), une cytokine pro-inflammatoire. Ce processus entraîne une accumulation d'acide dans l'estomac puis une inflammation gastrique. Un inhibiteur de la pompe à protons comme l’oméprazole -qui réduit la sécrétion acide de l'estomac – permettrait de prévenir ces effets.
Les opioïdes sont la référence en matière de traitement de la douleur, oui mais…
Leur utilisation peut entraîner, entre autres effets, des troubles gastro-intestinaux importants, notamment des nausées, des vomissements et la constipation. Les processus sous-jacents restent mal compris. Ces travaux décryptent comment les opioïdes -comme la morphine- provoquent une inflammation gastrique et comment il est possible d’inverser ces effets grâce aux inhibiteurs de la pompe à protons -dont certains sont en vente libre.
La morphine reste un analgésique de choix : la morphine reste considérée comme l'un des meilleurs médicaments de gestion de la douleur « en dépit de son association avec des comorbidités sévères », écrit l’auteur principal, le chercheur Sabita Roy, du Département de chirurgie de la Miller School of Medicine de l’Université de Miami, qui rappelle que les utilisateurs d'opioïdes encourent ce risque plus élevé de dysfonctionnement gastrique, ont une moins bonne qualité de vie, ont un risque accru d'hospitalisation et d'utilisation d'analgésiques et d'antinauséeux.
Décrypter le mécanisme sous-jacent aux effets gastro-intestinaux : afin d’étudier l'effet de la morphine sur l'inflammation gastrique, les chercheurs ont traité des souris avec de la morphine ou un placebo. Ils constatent alors que les dommages gastriques médiés par la morphine sont une conséquence de l'accumulation d'acide dans l'estomac en raison de l'augmentation de la sécrétion d'acide gastrique et du retard de la vidange gastrique- qui augmente le temps de rétention de l'acide dans l'estomac.
- L'imagerie in vivo confirme ce retard de vidange gastrique et constate des dommages gastriques dramatiques dont une perturbation importante des cellules de la muqueuse gastrique, une région glandulaire réduite et une augmentation de la mort de ces cellules gastriques ;
- néanmoins, le traitement à la naloxone, une drogue synthétique qui bloque la fonction des récepteurs des opioïdes, permet de réduire considérablement ces effets chez les souris traitées à la morphine, ce qui suggère que les récepteurs opioïdes sont impliqués. Les récepteurs opioïdes se trouvent à des concentrations élevées dans l'antre gastrique de l'estomac, la partie inférieure située près de l'intestin grêle ;
- la cytokine IL-6 apparaît impliquée dans la régulation du retard induit par les opioïdes dans la vidange gastrique. Les souris traitées à la morphine présentent en effet des niveaux élevés d'IL-6. Les souris privées d'IL-6 et traitées avec la morphine présentent des retards de vidange gastrique très réduits ainsi qu’une absence d’inflammation gastrique. C’est bien l’augmentation aiguë de l'IL-6 après le traitement par morphine qui provoque ce retard de vidange gastrique, conduisant à l'accumulation d'acide et à l’inflammation.
Une gastro-protection possible ? La co-administration de l'oméprazole, un inhibiteur de la pompe à protons, avec de la morphine fournit une gastroprotection en bloquant la sécrétion d'acide gastrique, en réduisant directement le retard gastrique et l'inflammation et en améliorant la tolérance à la morphine. De plus, cet effet gastroprotecteur de l'oméprazole ne compromet pas l'effet analgésique de la morphine.
Ainsi, le traitement par inhibiteur de la pompe à protons concommitament à l'administration de la morphine semble une approche prometteuse, sûre et peu coûteuse pour réduire la pathologie gastro-intestinale induite par les opioïdes.
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