PARODONTITE : Éliminer la fibrine pour préserver l’os
Les maladies parodontales touchent près de la moitié de la population des pays riches, âgée de 65 ans et plus, avec des conséquences parfois sévères comme la malnutrition, la fragilité et la sarcopénie. Réduire les niveaux d’une protéine de coagulation sanguine, la fibrine, pourrait permettre de prévenir les maladies des gencives et d’alléger ce fardeau chez les plus âgés. C’est la démonstration apportée par cette équipe du National Institute of Dental and Craniofacial Research (NIDCR/NIH) chez la souris et dans la revue Science, avec de futures applications dans le traitement des maladies parodontales et d'autres troubles inflammatoires.
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La parodontite est une infection bactérienne des tissus soutenant les dents. À ses débuts, la maladie parodontale provoque une rougeur et un gonflement (inflammation) des gencives (visuel de droite). Dans les stades plus avancés, l'os sous-jacent est endommagé, ce qui entraîne la perte des dents. La parodontite est due en partie à une réponse cellulaire immunitaire exagérée mais ses mécanismes moléculaires sous-jacents ne sont pas bien compris. « Une maladie parodontale grave peut entraîner la perte des dents et réduire considérablement la qualité de vie de nombreuses personnes, en particulier plus âgées ou qui n’ont pas accès aux soins dentaires », explique le Dr Rena D'Souza, Directrice du NIDCR.
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Cette recherche suggère que bloquer la fibrine, une protéine de coagulation sanguine, permet de bloquer ce processus délétère et d’empêcher la perte osseuse, chez la souris. En effet, l’accumulation de fibrine semble à l’origine de cette réponse immunitaire hyperactive qui endommage les gencives et l'os sous-jacent. Ainsi réduire voire stopper l'activité anormale de la fibrine semble une piste prometteuse pour prévenir ou traiter les maladies parodontales, ainsi que d'autres troubles inflammatoires marqués par l'accumulation de fibrine. Notamment l'arthrite et la sclérose en plaques.
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La fibrine joue normalement un rôle protecteur, sur les sites de plaies, de lésions ou d’inflammation, en contribuant à la formation de caillots sanguins et en activant les cellules immunitaires pour combattre l'infection. Mais en excès, la fibrine a déjà été associée à des problèmes de santé, et notamment à une forme rare de parodontite due à une maladie appelée déficit congénital en plasminogène (DCP). Chez les personnes touchées par cette maladie rare, des mutations du gène PLG entraînent une accumulation de fibrine et la formation de membranes fibreuses à différents sites du corps, dont la bouche.
La liaison fibrine-neutrophiles semble un moteur de la parodontiteÂ
- L’étude d’abord exploré, chez la souris, le lien entre l'accumulation anormale de fibrine et la parodontite puis les effets d’un déficit en PLG. Les souris déficientes en PLG ont développé une parodontite, notamment une perte osseuse parodontale et des niveaux élevés de fibrine dans les gencives. Les gencives des souris étaient remplies de cellules immunitaires appelées neutrophiles, présents également à des niveaux élevés dans les formes courantes de parodontite. Si les neutrophiles constituent une défense contre les microbes nocifs, une réponse excessive des neutrophiles peut causer des dommages aux tissus. Pour voir si la fibrine était à l'origine de cette réponse hyperactive, les chercheurs ont altéré la capacité de la fibrine à se lier aux récepteurs protéiques sur les neutrophiles. La liaison affaiblie entre la fibrine et les neutrophiles a empêché totalement la perte osseuse parodontale chez les souris déficientes en PLG mais également réduit la perte osseuse chez les souris normales atteintes d'une forme courante de parodontite liée à l'âge. Â
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« En d’autres termes, la fibrine peut faire passer les neutrophiles d’un rôle bénéfique et protecteur à un rôle dommageable. La liaison fibrine-neutrophiles semble un moteur de la parodontite ».
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- Dans un deuxième temps, l’analyse génétique de plus de 1.000 participants corrobore ces premières conclusions chez l’animal : les variations du gène PLG apparaissent liées à un risque accru de parodontite sévère, ce qui est cohérent avec l'idée que des processus similaires contribuent aux formes rares et courantes de la maladie.
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En conclusion, l'étude suggère qu'une accumulation excessive de fibrine dans les gencives, qu'elle soit due à des modifications de gènes comme le PLG ou à une inflammation chronique liée à une infection bactérienne ou à une combinaison des deux, déclenche une réponse élevée et finalement nocive des neutrophiles, ce qui provoque une maladie parodontale. Ces conclusions suggèrent de nouvelles pistes plus efficaces pour la prévention et le traitement. Avec des implications pour d’autres maladies, inflammatoires et auto-immunes telles que l'arthrite et la sclérose en plaques, caractérisées aussi par une activité trop élevée de la fibrine.