PESTICIDES : L'atrazine reconnue coupable de troubles du développement du fœtus
Des traces persistantes d’un pesticide, l’atrazine, dans les urines de plus de 5% des femmes enceintes, ou d'un de ses métabolites chez 20 à 40% des femmes enceintes étudiées, associées à une diminution du poids de naissance et de périmètre crânien de leurs enfants. En bref, avec trace d’atrazine ou d’un de ses métabolites, les femmes enceintes auraient 50% de risque supplémentaire d'avoir un enfant ayant un faible poids à la naissance et 70% de risque supplémentaire d'avoir un enfant ayant une faible circonférence crânienne à la naissance. Ce sont les derniers résultats de l’étude cohorte Pélagie publiés dans la revue Environmental HealtH Perspective le 2 mars dernier, une étude cohorte menée par des chercheurs de l’Inserm, qui montre que l'atrazine, un herbicide interdit en France depuis 2003, a bien pourtant laissé des traces, en particulier chez les femmes enceintes, associées à un risque de développement prénatal perturbé de l’enfant.
L'étude Pélagie (U625 Inserm, Dr. Sylvaine Cordier) est une étude cohorte mères-enfants, menée sur 3.421 femmes enceintes recrutées en Ille-et-Vilaine, Finistère et Côtes d'Armor entre 2002 et 2006. Son objectif général est d'évaluer l'impact d'exposition aux contaminants environnementaux sur le développement intra-utérin et le développement de l'enfant. Dans cet objectif, 52 molécules d'herbicides et d'insecticides ont été recherchées dans les urines de femmes enceintes recueillies en début de grossesse. Les premiers résultats sur une sous-cohorte de 421 femmes concluent à la présence de plus de 5 composés quantifiés dans les urines pour la moitié des femmes enceintes (Voir schéma ci-contre).
Malgré les preuves déjà existantes de la toxicité de l'atrazine sur le développement, seules quelques études à ce jour, avaient examiné les effets potentiels de l'exposition prénatale. Les chercheurs de l'Inserm ont donc souhaité évaluer l'association entre des suites défavorables d'accouchements et l'exposition prénatale à l'atrazine, tout en tenant compte des expositions à d'autres herbicides.
Des niveaux quantifiables de l'atrazine ont été identifiés dans des échantillons d'urine de 5,5% de 579 femmes enceintes, et de métabolites de l'atrazine dans 20% et 40% des échantillons, respectivement. La présence versus absence de niveaux quantifiables de l'atrazine ou d'un métabolite de l'atrazine spécifique a été associée à une restriction de croissance fœtale (OR = 1,5, IC 95%: 1,0 à 2,2) et à une réduction du périmètre crânien pour le sexe et l'âge gestationnel (OR = 1,7, IC 95% : 1.0 à 2.7). En revanche, les auteurs précisent que l'étude ne met pas en évidence d'associations entre atrazine ou ses métabolites et anomalies congénitales majeures. Le périmètre crânien s'avère inversement associé à la présence de métabolites de l'atrazine.
Cette étude est la première à démontrer l'association de développement perturbé à la naissance et de multiples biomarqueurs de l'exposition à l'atrazine et ses dérivés. Elle témoigne également de la persistance des pesticides de longues années après leur interdiction. L'EFSA (Agence Européenne de Sécurité Alimentaire) a publié fin février ses recommandations sur l'utilisation des études scientifiques (indépendantes et de l'Industrie) publiées dans les revues scientifiques pour l'autorisation ou l'interdiction des pesticides. Une telle étude indépendante prend toute sa valeur pour souligner l'urgence d'une interdiction, dans les pays, comme les Etats-Unis, où ces pesticides restent à ce jour autorisés.