RÉFORME de SANTÉ britannique : Vers un système «ultra libéral» ?
Mettre les patients mais aussi les médecins généralistes au cœur du système et des dépenses de soin, renforcer la concurrence entre établissements publics et privés, jusqu’à une éventuelle privatisation des hôpitaux publics, la réforme du National Health Service britannique (NHS) menée par le Premier Ministre David Cameron et présentée par Andrew Lansley, ministre de la Santé, préoccupe les professionnels de santé, sur l’avenir du service de santé public tout autant que les usagers. Sa principale mesure, un transfert de responsabilité de 80 % du budget total NHS aux médecins généralistes, soit 80 milliards de livres, fait couler beaucoup d’encre, dans la presse spécialisée comme dans les médias grand-public.
Le généraliste au cœur de l'économie du système de santé : Le National Health Service est né en 1948. Son principe, gratuité pour le patient. L'évolution proposée, donner la responsabilité aux quelque 30.000 médecins généralistes, qui connaissent leurs patients et assurent une médecine de proximité. Les généralistes seraient ainsi responsables des achats de médicaments, dispositifs et soins auprès des hôpitaux et grossistes, pour le compte de leurs patients. Avec une position ainsi et encore renforcée, au cœur du système de santé britannique, les médecins généralistes pourraient permettre une économie annuelle de près de 2 milliards de livres, dès 2015, selon l'Independent. La crainte d'un intéressement des professionnels de santé aux économies qu'ils pourraient réaliser, fait débat depuis la mi-décembre. Plus de 206 médecins et professionnels de santé britanniques ont signé une lettre commune publiée dans le Times craignant que la réforme du gouvernement détruise le service public (NHS).
Une concurrence renforcée entre établissements de soins : Là où en France l'Etat standardise le coût à l'acte avec la T2A, la réforme britannique prévoit de faire jouer la concurrence, entre hôpitaux publics et établissements privés. Les hôpitaux publics pourraient être peu à peu privatisés. Un contrôle sur la qualité des soins devrait être renforcé.
Parallèlement, le NHS verrait tout de même son budget légèrement augmenté, mais devrait, avec l'augmentation naturelle des dépenses de santé, pouvoir générer 20 milliards d'économies sur les 5 années à venir. Des licenciements sont à craindre chez l'un des plus gros employeurs du pays.
La mauvaise santé britannique justifie-t-elle la réforme du NHS? Cet argument adopté par le Ministre britannique, Andrew Lansley, lors de la présentation de son projet, est d'ores et déjà discuté. Un exemple donné pour réformer, serait que malgré un budget identique à celui de la France, le taux de mortalité pour l'infarctus aigu du myocarde serait le double au Royaume Uni (41/100.000) en comparaison de la France (19/100.000). Un éditorialiste du BMJ répond : « Non seulement le Royaume-Uni a la plus forte baisse des taux de mortalité par infarctus du myocarde entre 1980 et 2006 de tous les pays européens mais atteindra un taux de mortalité plus bas que la France dès 2012 ». Il ajoute qu'en 2008, le Royaume-Uni a dépensé 8,7% de PIB à la santé comparativement à 11,2% pour la France.
Un sondage en ligne pour le British Medical Journal réalisé sur 1.183 répondants, révèle que 72% pensent que les services de santé en Angleterre seront pires ou bien pires dans 5 ans. Seuls 11% pensent que le NHS sera mieux adapté aux besoins des usagers. La rédactrice en chef du BMJ, conclut: «Ces résultats reflètent une préoccupation partagée par les professionnels de santé sur l'avenir du NHS en Angleterre, en cette période économique exceptionnellement difficile."