RÉMUNÉRATION des MÉDECINS : L'incitation à la performance fait un flop au Royaume-Uni
C’est un bilan négatif, du système mis en place dès 2004, au Royaume-Uni, appelé «Quality and Outcomes Framework» qui intéresse financièrement les médecins non pas sur ce qu'ils font (nombre d’actes par exemple), mais sur la qualité des soins dispensés et les résultats obtenus pour les patients. La logique économique d’un tel système voudrait que l’état de santé des patients s’améliore, pourtant, en ce qui concerne l’hypertension et malgré d’énormes coûts administratifs engagés, le bilan de l’opération est pour le moins mitigé. Une étude cofinancée par la Harvard Medical School et publiée dans l’édition du 26 janvier du British Medical Journal.
Cette composante de rémunération a également été évoquée à plusieurs reprises en France, lors des discussions sur l'évolution des médecins vers une rémunération qui, toujours basée sur « l'acte » quelle que soit la spécialité du praticien, devra à terme intégrer les notions de complexité des consultations, de performance en regard des objectifs de santé publique (vaccination, prévention, suivi) et d'efficience, en regard de la maîtrise des coûts.
Au Royaume-Uni, cette approche a-t-elle effectivement amélioré la santé des patients ? La question demeure ouverte selon le BMJ. Car cette nouvelle étude apporte la preuve que le programme britannique « Pay-for-performance » n'a pas grand résultat avec l'hypertension, conclut l'auteur principal, Brian Serumaga, ex Harvard Medical School / Harvard Pilgrim Health Care Institute, aujourd'hui professeur à l'Université de Nottingham.
En travaillant en étroite collaboration avec des chercheurs de Harvard, Nottingham et l'Université d'Alberta au Canada, Brian Serumaga a mesuré comment Pay-for-performance pourrait influer sur les résultats de patients souffrant d'hypertension, un état où d'autres interventions telles que l'éducation thérapeutique s'avère très efficace. L'équipe a donc procédé à l'analyse des données du UK's Health Improvement Network et identifié 470725 patients atteints d'hypertension artérielle entre janvier 2000 et août 2007, donc 4 années avant et 3 années après que le programme Pay -for -performance ait été mis en œuvre. Les chercheurs ont examiné différentes mesures, dont la pression artérielle au cours du temps, les taux de surveillance de la pression sanguine, l'hypertension et les maladies développées par les participants.
L'analyse montre qu'il n'apparaît aucun impact sur l'incidence cumulative d'AVC, infarctus du myocarde, insuffisance rénale, insuffisance cardiaque ou de mortalité chez les deux groupes de patients, ceux qui ont commencé leur traitement avant 2001 et ceux dont le traitement a débuté au moment de la mise en œuvre du programme.
«Les gouvernements et les assureurs privés sont susceptibles de perdre plusieurs milliards avec des politiques qui supposent qu'il suffit d'inciter financièrement les médecins pour améliorer la qualité des soins médicaux», explique l'auteur principal Stephen Soumerai, professeur au Département de médecine de la Harvard Medical School. « La performance des médecins et la qualité de leurs pratiques sont basées sur bien d'autres facteurs que l'argent », explique le Dr. Anthony Avery, de l'Université de Nottingham. « Le comportement des patients, la formation médicale continue, une responsabilité partagée et un travail d'équipe avec les pharmaciens, les infirmières et les autres professionnels de santé. Ce sont des facteurs qui vont bien au-delà des simples incitations financières. »