STATINES et douleurs musculaires : Peut-on invoquer l'effet nocebo ?
Les statines ont largement été associées aux douleurs musculaires. Mais ces effets secondaires seraient exagérés, conclut finalement cette étude, qui va probablement choquer plus d’un patient et plus d’un médecin. Si l’effet nocebo existe bel et bien et si de nombreuses études ont vu certains de leurs participants, pourtant « sous » placebo », arrêter pour raison d’effets indésirables… qu’en est-il de ce traitement destiné à abaisser les taux de « mauvais » cholestérol, et généralement suivi à vie ?
Les résultats de cet essai nommé ASCOT (Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial), publiés dans le Lancet, sont en effet en faveur d’un effet subjectif : en d’autres termes, la majorité des patients ressentiraient ces douleurs musculaires parce que c’est un effet bien connu du médicament …On précisera enfin que cette étude a été co-financée par les laboratoires pharmaceutiques Pfizer, Servier et Leo.
Â
Les chercheurs de l'Imperial College London, de l'hôpital Royal London, de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, des universités de Göteborg et d'Oxford ont mené cette étude en 2 phases :
-la première, un essai contrôlé randomisé en double aveugle (l'essai ASCOT), débuté à la fin des années 1990 et mené sur plus de 100.000 participants, à 81% hommes et comparant une statine, l'atorvastatine au placebo. Au bout de 3 ans de suivi, les premiers résultats ont montré que les participants prenant de l'atorvastatine étaient moins susceptibles d'avoir des crises cardiaques ou des AVC.
Â
-Tous les participants, sauf ceux présentant certains risques, ont donc été invités à prendre de l'atorvastatine. C'est la seconde phase de l'étude. Les participants ont ensuite été suivis durant 2 à 3 ans. Les chercheurs ont donc alors examiné les taux d'effets secondaires entre les deux phases de l'essai. Pour cela, ils ont interrogé les participants sur les effets indésirables perçus à 6 semaines de suivi, à 3 mois, puis tous les 6 mois jusqu'à la fin de l'étude. Les chercheurs ont donc pu comparer les taux des 4 principaux effets néfastes associés aux statines, les douleurs musculaires, les troubles du sommeil, la dysfonction érectile et les troubles cognitifs. L'analyse montre que :
Â
-au cours de la première phase les taux d'effets indésirables signalés sont similaires ou inférieurs chez les participants prenant l'atorvastatine vs placebo ;
Â
-la douleur musculaire est rapportée par 2,03% des participants prenant l'atorvastatine et 2% des participants prenant le placebo ;
Â
-les troubles de l'érection sont rapportés par 1,86% des participants prenant l'atorvastatine et par 2,14% des participants prenant le placebo ;
Â
-les troubles du sommeil sont rapportés par 1% des participants prenant de l'atorvastatine vs 1,46% pour le placebo
Â
-l'incidence des troubles cognitifs était trop faible pour être analysée.
Â
Â
Prendre sciemment la statine est associé à « un peu plus » de douleurs musculaires : au cours de l'ECR (première phase), la moitié des participants avaient pris de l'atorvastatine et la moitié un placebo. Dans la seconde phase 65% des participants ont choisi de prendre de l'atorvastatine à un moment donné, alors que 35% n'en n'ont jamais pris. Ceux qui avaient signalé des douleurs musculaires dans la première phase étaient bien évidemment moins susceptibles d'opter pour l'atorvastatine dans la deuxième phase. Les participants qui ont pris « sciemment » de l'atorvastatine dans cette deuxième phase étaient plus susceptibles de déclarer des douleurs musculaires : 1,26% sous atorvastatine vs 1% sans. Aucune différence significative pour les autres effets n'est constatée.
Â
Les chercheurs confirment donc un effet nocebo : ces effets indésirables subjectifs, ici les douleurs musculaires, seraient exagérément attribués à un traitement déjà connu pour provoquer cet effet secondaire particulier. En d'autres termes, les patients sont enclins à percevoir un effet secondaire lorsqu'ils savent qu'ils prennent un médicament associé à cet effet secondaire. Bien évidemment, il peut y avoir des biais dans la déclaration des effets indésirables, et si l'étude apporte une démonstration de l'existence possible d'un effet nocebo, compte-tenu des multiples études qui documentent les effets musculaires des statines, cet effet nocebo ne contribue à en expliquer très probablement qu'une petite partie.
Â
May 2 2017 DOI: 10.1016/S0140-6736(17)31075-9 Adverse events associated with unblinded, but not with blinded, statin therapy in the Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial—Lipid-Lowering Arm (ASCOT-LLA): a randomised double-blind placebo-controlled trial and its non-randomised non-blind extension phase
Â
Plus de 40 études sur les Statines
Â
Â
Autres actualités sur le même thème
-
TABAGISME: Fumer retarde de 6 semaines la guérison d'une fracture
Actualité publiée il y a 11 années 7 moisNouvel effet du tabagisme, sur la réparation de l’os cette fois : Un délai de guérison prolongé de 6 semaines, un taux accru de complications post-opératoires... -
MYOPATHIE FACIO-SCAPULO-HUMÉRALE : Un biomarqueur de sévérité prometteur
Actualité publiée il y a 2 années 8 mois -
PROTHÈSES de HANCHE: Du lubrifiant industriel dans les articulations
Actualité publiée il y a 12 années 9 moisUne fine couche lubrifiante en carbone graphitique se forme naturellement dans les articulations avec ces prothèses de hanche métal sur métal (MoM), révèle... -
LOMBALGIE: La pleine conscience pour éliminer le mal de dos
Actualité publiée il y a 8 années 7 mois