Transfert du MICROBIOTE FÉCAL: L'Académie de Pharmacie précise ses recommandations
L’efficacité du Traitement par transfert de microbiote fécal (TMF) pour lutter contre les infections récidivantes à Clostridium difficile est de mieux en mieux documentée. En France, si la pratique est encadrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament, aujourd’hui l’Académie de Pharmacie, dans un communiqué, précise le rôle et la responsabilité du Pharmacien et fait ses recommandations sur l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques, des mesures de traçabilité nécessaires au suivi des effets secondaires possibles et à la recherche, une mise en commun européenne des données et, enfin, la réflexion sur la sémantique à utiliser, les explications à donner au patient pour un consentement éclairé.
Les bénéfices de la transplantation du microbiote fécal qui consiste en l'introduction, souvent par coloscopie ou lavement, des selles d'un donneur sain dans le tube digestif d'un receveur souffrant d'une infection intestinale avec la bactérie Clostridium difficile, ont déjà été documentés par plusieurs études. La pratique est déjà courante aux Etats-Unis où plus de 500.000 transplantations fécales sont opérées chaque année, et, alors que 40% des patients souffrent de récidive après un traitement antibiotique standard, ce traitement permet la récupération complète de la fonction intestinale chez 90% des patients. En Europe, la thérapie est maintenant recommandée par les directives européennes de traitement. En France, l'Agence nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a encadré la pratique afin de garantir la sécurité des patients concernés.
Considérant que :
· les infections récidivantes à Clostridium difficile constituent un problème de santé publique, du fait d'échecs fréquents des antibiothérapies conventionnelles chez les patients atteints ;
· au cours de ces infections apparait une modification de la composition du microbiote fécal, caractérisée par une diminution du nombre de gènes bactériens et d'espèces microbiennes (dysbiose) ;
· au plan international, la littérature confirme de manière croissante le succès du traitement des infections récidivantes à C. difficile par le transfert de microbiote fécal (TMF) venant d'un donneur sain ;
· les préparations effectuées en vue du TMF relèvent en France de la qualification de médicament (L. 5111-1 CSP), et, en l'absence de spécialité disponible et adaptée, du cadre des préparations magistrales et hospitalières (art. L. 5121-1 CSP) à titre dérogatoire ;
· le microbiote transféré n'étant ni caractérisable ni évaluable, et ne pouvant donc relever de la catégorie des médicaments biologiques au sens du Code de la Santé Publique (L. 5121-1-14° CSP), le TMF relève de la qualification transitoire de médicament biologique « sui generis » ;
· ce médicament est de composition complexe et variable selon les dons, et comporte un éventuel risque pathogène qui impose de garantir la sécurité du receveur par une procédure contrôlée ;
· sous réserve d'une autorisation par l'Agence Régionale de Santé, les pharmaciens hospitaliers exerçant au sein d'une Pharmacie à Usage Intérieur (PUI), sont tenus de préparer le TMF dans des locaux adaptés et en conformité avec des bonnes pratiques nécessitant d'être complétées par des dispositions spécifiques ;
· selon les circonstances, la préparation du TMF par un pharmacien d'une PUI peut faire appel à une sous-traitance formalisée du recueil, contrôle et traitement de la matière première par une autre PUI autorisée ou par des biologistes médicaux ;
· le lot est libéré sous l'autorité du pharmacien, que ce dernier ait intégralement préparé le TMF lui-même, ou qu'il ait utilisé à cette fin une matière première traitée dans les conditions précitées.
L'Académie recommande :
1 - en ce qui concerne la qualification du don en vue du TMF que :
- un questionnaire, et le cas échéant, un examen clinique, soient pratiqués permettant de contribuer à la sécurisation du don ;
- cette procédure soit standardisée au plan national ;
- les contrôles macroscopique, microscopique, biochimique et microbiologique soient déterminés et hiérarchisés en vue de l'élimination des risques pathogènes connus.
2 - en ce qui concerne la préparation à administrer que :
- un guide des bonnes pratiques de préparation spécifiques soit élaboré en prenant en compte notamment le recueil, le traitement et la formulation de la matière première, ainsi que le contrôle microbiologique du don ;
- l'éventualité d'une sous-traitance du traitement, de la formulation et du contrôle de la matière première soit formalisée par un service de pharmacie hospitalière ou de biologie médicale selon l'organisation hospitalière et les besoins cliniques.
3 - en ce qui concerne l'information du patient que :
-la réflexion sur la sémantique à utiliser, les explications à donner et le consentement à recueillir soient approfondis.
4 - en ce qui concerne l'imputabilité d'effets secondaires éventuels que la traçabilité du don soit assurée par :
- des fichiers permettant de conserver la mémoire des prélèvements et des dons effectués dans le cadre du TMF (pendant dix ans) ;
- des échantillothèques assurant la conservation à moins 80°C des fèces et de la préparation utilisée pour le TMF (pendant 3 ans) par les équipes ayant effectué la préparation ou par une bio-banque dédiée ;
- un registre national, voire européen, des différents TMF réalisés par les équipes médicales, soit mis en place tant dans les cas d'infections récidivantes à C. difficile que pour d'autres applications en recherche biomédicale ;
- un réseau coopératif national, européen et international, de retour d'expériences et de surveillance soit structuré en vue d'évaluer les bénéfices et les risques du TMF.
5 - en ce qui concerne la recherche biomédicale, il faudrait que :
- ces recommandations soient préconisées par les Agences de santé à l'occasion d'autorisation du TMF au titre de médicament expérimental (L. 5121-1-1 CSP) pour le traitement de maladies d'expression intestinale ou non ;
- des travaux soient entrepris :
- pour aménager les protocoles, notamment en vue de réduire le délai entre le recueil de la selle du donneur et l'administration au receveur en situation d'urgence clinique ;
- pour la compréhension du mécanisme d'action de tout ou partie de l'écosystème transféré, de façon à déterminer l'activité thérapeutique et les meilleures conditions d'efficacité et de sécurité d'emploi.
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