VACCIN anti-SIDA : La piste française, produire des anticorps au niveau des muqueuses
Prévenir l’infection dès le niveau des muqueuses et avant la multiplication et la dissémination du virus dans le sang, c’est l’originalité de la piste de recherche française vers un candidat-vaccin contre le virus du sida. Ces chercheurs français de l'Université Paris Descartes, du CNRS et de l'Inserm en collaboration avec la société Mymetics et avec le soutien de l’ANRS, ont ainsi réussi à développer un candidat-vaccin contre la transmission sexuelle du VIH chez des macaques femelles, qui 13 fois exposées au VIH ont été protégées contre l’infection. Des travaux publiés dans l’édition en ligne du 10 février, de la revue Immunity.
Ce candidat-vaccin est le fruit de quinze années de recherche sur l'entrée du virus dans l'organisme et sur l'immunité locale au niveau des muqueuses. C'est en induisant la production d'anticorps spécifiques de la surface du virus au niveau des muqueuses génitales, mimant le phénomène observé dans une population de femmes naturellement immunisées contre le VIH et qui résistent à l'infection que les chercheurs ont développé cette toute nouvelle approche.
L'originalité du candidat-vaccin développé par les chercheurs est d'induire la production d'anticorps au niveau des muqueuses et non dans le sang. Ces anticorps interviennent alors très tôt dans l'infection par voie muqueuse, c'est-à -dire avant la multiplication du virus et sa dissémination dans le sang.
Cinq macaques femelles (Macaca mulatta) ont été vaccinées par voies intramusculaire et nasale. Six mois plus tard, elles ont été exposées de façon répétée (13 fois) au VIH par inoculation vaginale. Les 5 animaux se révèlent protégés de l'infection et restent séronégatifs, six mois après la dernière infection par le VIH.
« L'analyse comparative des anticorps induits par la vaccination dans le sang et au niveau des muqueuses montre que ce sont seulement les anticorps muqueux spécifiques de la surface du virus -aussi bien IgG que IgA- qui permettent de protéger les macaques de l'infection par voie muqueuse ».
Le candidat vaccin simule une réponse naturelle : C'est chez les femmes résistant à l'infection malgré des rapports sexuels non protégés et qui seraient donc naturellement immunisées que ce type d'anticorps a été identifié comme un élément de protection.
Une protéine contrôle l'entrée du virus : Pour élaborer ce candidat-vaccin, les chercheurs ont étudié la protéine transmembranaire Gp41 de l'enveloppe du VIH, la partie de l'enveloppe variant le moins parmi toutes les souches virales du sida. Gp41 contrôle, à la fois, l'entrée du virus dans les cellules de la muqueuse et l'infection d'une famille de lymphocytes T, les principales cellules cibles du VIH. Pour favoriser l'induction d'anticorps neutralisants lors de l'immunisation, les autres parties de l'enveloppe du VIH, non-neutralisantes, ont été retirées du candidat-vaccin.
Le vecteur vaccinal simule l'environnement naturel : Le vecteur vaccinal de ce candidat-vaccin ou virosome est utilisé depuis plus de 10 ans dans plusieurs candidat-vaccins destinés à l'Homme. Grâce à sa surface lipidique mimant la surface du virus, ce virosome permet aux antigènes de Gp41 d'adopter une structure similaire à celle qu'ils ont in situ. Cela favorise l'induction d'anticorps neutralisants lors de la vaccination.
Le vaccin fonctionne relativement bien in vitro contre les sous-types B et C du VIH, responsables de 95% des cas aux Etats-Unis, en Europe et en Inde. Cependant, les chercheurs soulignent les limites de l'étude : le vaccin n'a été testé que sur des singes femelles et il protège d'une infection vaginale non traumatique, ne reflétant pas nécessairement la réalité.
Reste donc à étudier le vaccin chez des mâles et à voir son efficacité contre d'autres voies d'infections sexuelles (rectum, tractus oro-uro-génital).