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ALZHEIMER : Comment ApoE4 prive le cerveau d'acides gras

Actualité publiée il y a 4 années 4 mois 1 semaine
Alzheimer's & Dementia
L'action d'ApoE est comparée à un service de livraison pour le cerveau humain qui apporte aux neurones des nutriments importants (Visuel Adobe Stock 231906160)

Cette équipe du Centre Max Delbrück de médecine moléculaire (Berlin) nous décrit, pour la première fois, le rôle clé de la protéine apolipoprotéine E (ApoE) : son action est comparée à un service de livraison pour le cerveau humain qui fournit aux neurones des nutriments importants, y compris des acides gras polyinsaturés qui sont les éléments constitutifs indispensables des membranes entourant les neurones. Ces travaux, présentés dans la revue Alzheimer's & Dementia, ouvrent une nouvelle piste de nouveau traitement de la maladie d’Alzheimer.

 

Parmi les acides gras insaturés livrés aux neurones par l’ApoE, certains sont convertis en endocannabinoïdes, des ligands qui participent à de nombreuses fonctions du système nerveux, telles que la mémoire mais participent également au contrôle de la réponse immunitaire, protégeant ainsi le cerveau de l'inflammation.

L'interaction d'ApoE et de la sortiline essentielle pour la santé cérébrale

La cargaison ApoE atteint les neurones via un récepteur membranaire appelé sortiline. Dans un processus connu sous le nom d'endocytose, la sortiline se lie à ApoE et la transporte à l'intérieur du neurone par le biais d'invaginations de la membrane cellulaire. L'interaction de l'ApoE et de la sortiline a un impact majeur sur la santé de notre cerveau : s'il n'y a pas suffisamment d'acides gras polyinsaturés qui atteignent nos cellules grises, elles s’afaiblissent et deviennent sensibles aux réponses inflammatoires.

 

Toutes les ApoE ne sont pas identiques : il existe en effet 3 variantes de gènes chez l'Homme : ApoE2, ApoE3 et ApoE4. Les 3 variantes ne diffèrent pas dans leur fonction de transport des lipides et leur capacité de se lier à la sortiline est également similaire. Cependant,

  • les personnes qui portent la variante E4 ont un risque 12 fois plus élevé de développer la maladie d'Alzheimer que celles qui portent E3.
  • Environ 15% des personnes sont porteuses d'ApoE4. « Les raisons pour lesquelles ApoE4 augmente considérablement le risque d'Alzheimer est l'une des questions centrales de la recherche sur la maladie d'Alzheimer », rappelle l’auteur principal, le Dr Thomas Willnow du Centre Max Delbrück de l'Association Helmholtz.

 

Un décryptage in vivo : les chercheurs travaillent sur des souris modèles de métabolisme des lipides humains qui produisent des variantes ApoE humaines, ApoE3 ou ApoE4. Les chercheurs ont ensuite étudié, par spectrométrie de masse la composition lipidique du cerveau de ces souris et constatent que la composition lipidique est saine dans le cerveau des souris « ApoE3 » : en effet chez ces souris,  les d'acides gras insaturés et d'endocannabinoïdes sont normaux. En revanche, chez les souris ApoE4, les niveaux de lipides sont insuffisants. Les chercheurs observent, au microscope, que les vésicules membranaires qui ramènent normalement la sortiline à la surface des cellules restent « coincées » à l'intérieur du neurone.

 

ApoE4 bloque le processus d'endocytose : l’équipe nous apporte pour la première fois, une explication du danger que représente ApoE4 pour le cerveau : avec la variante E3, l'endocytose fonctionne bien et la sortiline se lie à l'ApoE3 chargée en lipides. Après avoir déposé sa cargaison à l'intérieur des neurones, la sortiline retourne à la surface cellulaire pour se lier à une nouvelle ApoE. Ce processus se répète plusieurs fois par heure, fournissant ainsi aux neurones des quantités suffisantes d'acides gras essentiels.

Mais ce n’est plus le cas avec la variante E4

si la sortiline se lie bien à ApoE4 et la transporte à l'intérieur du neurone, le récepteur se recroqueville à l'intérieur de la cellule et devient incapable de retourner à la surface cellulaire. Le processus d'endocytose s'arrête. Finalement, de moins en moins d'acides gras sont absorbés, les cellules grises ne peuvent plus se protéger et s'enflamment. La mort cellulaire s’accélère avec le processus de vieillissement. Le risque de démence augmente alors considérablement.

 

Une nouvelle approche thérapeutique pour la maladie d'Alzheimer ? En effet, les personnes porteuses de la variante E4 pourraient être traitées avec un agent qui empêche ApoE4 d’induire l'agrégation du récepteur de la sortiline. Les recherches ont d’ailleurs commencé, et des agents candidats sont en cours de test in vitro.

« Le développement d'un tel médicament donnerait du sens au dépistage de l'ApoE4 ».


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