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AUTOMUTILATION : Ressentir la douleur physique pour échapper à la détresse émotionnelle

Actualité publiée il y a 5 années 8 mois 3 semaines
Clinical Psychological Science
Plus de 10% des garçons adolescents et environ 25% des adolescentes s'automutilent chaque année

Cette étude de l’Université Rutgers (New Jersey) décrypte un peu plus la démarche des adolescents et des jeunes adultes qui se blessent intentionnellement pour se concentrer sur la douleur physique et échapper ainsi à leur détresse émotionnelle. Des explications apportées dans la revue Clinical Psychological Science qui doivent aussi sensibiliser à ce comportement relativement courant chez les adolescents : plus de 10% des garçons adolescents et environ 25% des adolescentes « le font » chaque année (Source : US CDC).

 

« L'expérience de la douleur par l'automutilation non suicidaire reste un comportement mal compris et complexe pour les cliniciens et les familles car elle remet en question le principe selon lequel chacun souhaite éviter la douleur », commente l'auteur principal, Edward Selby, professeur agrégé de psychologie : « Cependant, les personnes qui adoptent ce comportement intentionnellement et à maintes reprises s’infligent des blessures physiques en dépit - ou peut-être en raison- de la douleur physique qu’elles provoquent ». Ces personnes ressentent d’ailleurs la douleur associée à l’automutiliation de différentes manières : certaines ne ressentent que peu ou pas de douleur et d'autres une douleur qu’ils « utilisent » pour « se distraire » de leur détresse émotionnelle.

 

L’étude a suivi 47 jeunes adultes âgés de 15 à 21 ans qui s’automutilaient régulièrement et qui s’étaient ainsi blessés au moins 2 fois au cours des 2 semaines précédentes. Aucun des participants n'était à risque de suicide ou n'avait été diagnostiqué avec un trouble psychotique, une anorexie menaçant le pronostic vital ou un retard de développement. Près de 70% étaient des jeunes femmes, ce qui reflète le taux plus élevé de femmes que d'hommes qui s'automutilent. À l'aide d'une application pour smartphone conçue spécialement pour cette étude par l’équipe de Rutgers, les chercheurs ont interrogé les participants 5 fois par jour pendant 2 semaines, sur leur intention de se faire mal et sur leur(s) passage(s) à l’automutilation depuis leur dernière évaluation. Les chercheurs ont pu ainsi évaluer la durée de chaque épisode et décrire le comportement de chaque participant : par exemple couper, se mordre, se donner des coups de poing, s’arracher les cheveux, se cogner la tête ou se brûler. Ils ont également évalué la douleur physique correspondante sur une échelle de 0 (aucune douleur) à 10 (extrêmement douloureuse) et la mesure dans laquelle les participants qui s’automutilaient ressentaient 21 émotions différentes (se sentir dépassé ou submergé, triste, en colère, anxieux, solitaire…) avant, pendant et immédiatement après l’acte d’automutilation.

  • 143 épisodes d’automutilation ont été recensés et suivis ;
  • la plupart des participants signalent une douleur intense associée à l’automutilation ;
  • des émotions négatives au début et une douleur moindre lors de l’automutilation sont 2 facteurs associés à une fréquence ou un nombre élevé d’actes d’automutilations au cours d’un épisode ;
  • des émotions négatives et une douleur intense au cours de l’acte sont 2 facteurs associés à une fréquence ou un nombre élevé d'épisodes d’automutilation au cours de la période de suivi de 2 semaines.

 

 

Un comportement qui devient rapidement chronique : ces résultats suggèrent que les personnes qui souffrent d'une grande détresse émotionnelle et d'instabilité cherchent à utiliser plus souvent la douleur physique causée par l'automutilation pour soulager leur désespoir. Ensuite, une absence de sensation de douleur au cours de l'automutilation finit par survenir à mesure que le comportement empire et devient chronique, ce qui peut amener ces patients à être moins enclins à venir chercher de l'aide auprès des professionnels.

 

Les auteurs concluent que les jeunes qui recourent à l’automutilation finissent par ne plus ressentir la douleur comme tout un chacun. Ils appellent les cliniciens interroger ces patients sur leurs expériences de la douleur, afin de comprendre pourquoi ces patients « commencent », à quelle fréquence ils s’automutilent et pourquoi, pour pouvoir réduire bien évidemment, voire pouvoir prévenir ces comportements.


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