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MÉMOIRE: Et si l'on pouvait restaurer les souvenirs perdus

Actualité publiée il y a 9 années 9 mois 2 semaines
eLife

Cette étude de l’Université de Californie - Los Angeles (UCLA) montre réalisable ce fantasme ou cauchemar de pouvoir restaurer des souvenirs perdus. L’explication est « simple », les souvenirs pourraient ne pas être stockés ou associés aux synapses, comme le pensait auparavant, mais, probablement dans le noyau des neurones. Des résultats, publiés dans la revue eLife, qui apportent un espoir de traitement permettant d’inverser certains des symptômes cognitifs de la maladie d'Alzheimer.

Depuis des décennies, expliquent les chercheurs de l'UCLA, la plupart des neuroscientifiques soutiennent que les souvenirs sont stockés au niveau des synapses qui permettent les connexions entre les cellules cérébrales, ou neurones, ces synapses mêmes qui sont détruites dans la maladie d'Alzheimer. Leur étude qui a consisté à perturber le processus de formation de la mémoire de long terme –chez l'escargot- apporte les premières preuves contredisant ce concept de stockage de la mémoire à long terme au niveau des synapses.


La mémoire à long terme est une fonction liée à la croissance de nouvelles connexions synaptiques cette croissance étant induite par l'hormone sérotonine. Lorsque les souvenirs se forment, le cerveau crée de nouvelles protéines impliquées dans la fabrication de nouvelles synapses. Si ce processus est perturbé, les protéines ne peuvent pas être synthétisées et les souvenirs ne peuvent pas se former. Ainsi, en cas de commotion cérébrale, on ne pourra pas toujours se rappeler ce qui s'est passé juste avant.

Sur l'animal c'est pareil. Si on l'entraine à accomplir une tâche, puis si on inhibe sa capacité à produire des protéines immédiatement après l'apprentissage, 24 heures plus tard, il ne se souviendra plus de rien. Mais si on l'entraine à accomplir une tâche, puis on attend 24 heures avant d'inhiber sa capacité à produire des protéines, l'animal se souvient de son apprentissage. En synthèse, une fois les souvenirs bien formés, une perturbation du processus n'affecte pas la mémoire à long terme. C'est aussi vrai pour le cerveau des humains : Toujours en cas de commotion cérébrale, on se souvient, en général, des souvenirs plus anciens.

Démonstration sur des neurones d'escargot : Les chercheurs reproduisent ici les mêmes mécanismes sur un escargot marin appelé Aplysia. L'animal présente la particularité de répondre, via ses neurones sensoriels et moteurs, par un réflexe de retrait en cas de danger. Les chercheurs ont renforcé cette réponse en infligeant à l'animal plusieurs chocs électriques régulièrement durant plusieurs jours afin de consolider sa mémoire à long terme de ces chocs. Des chocs qui entrainent la libération de sérotonine dans le système nerveux central de l'escargot.

Lorsque les chercheurs observent des neurones sensoriels et moteurs d'escargot en laboratoire, ces neurones reforment à nouveau les connexions synaptiques qui existaient lorsque les neurones étaient à l'intérieur du corps de l'escargot. Lorsqu'ils leur ajoutent de la sérotonine, de nouvelles connexions synaptiques se forment entre les neurones sensoriels et moteurs. Mais si cet ajout de sérotonine est immédiatement suivi par l'ajout d'un inhibiteur de synthèse des protéines, la croissance synaptique est bloquée et la mémoire ne peut être formée.

Mais que deviennent les synapses une fois les souvenirs formés ? Pour répondre à cette question, les chercheurs ont compté le nombre de synapses dans la boîte de pétri, puis, 24 heures plus tard, ont ajouté un inhibiteur de la synthèse des protéines. Puis, un jour plus tard, ont recomptés les synapses.

Ils constatent alors que de nouvelles synapses se sont développées et que les connexions synaptiques entre les neurones se sont renforcées. L'ajout tardif de l'inhibiteur de synthèse des protéines n'a pas perturbé la formation de la mémoire. En fait, c'est la réplique en laboratoire du processus en jeu dans le système nerveux de l'escargot pendant l'apprentissage puis la formation de la mémoire.

Sur les phases de reconsolidation de la mémoire : Lorsque les chercheurs ajoutent la sérotonine sur un neurone sensoriel et un neurone moteur, attendent 24 heures, puis ajoutent encore un peu de sérotonine puis immédiatement après l'inhibiteur de synthèse des protéines, ils constatent que la croissance synaptique et la mémoire ont été effacées. Quand ils recomptent les synapses, ils « retombent » sur le nombre de départ, avant l'ajout de sérotonine. Selon les auteurs, le second ajout de sérotonine a déclenché un nouveau cycle de consolidation de la mémoire cassé ensuite par l'inhibiteur de synthèse des protéines.

Les souvenirs ne sont pas dans les synapses : Si les souvenirs étaient stockées dans les synapses, l'étude aurait montré que les synapses perdues étaient les mêmes que celles qui s'étaient formées en réponse à la sérotonine. Mais ce n'est pas le cas, il reste en fin de compte certaines des synapses d'origine et certaines des nouvelles synapses. Selon l'équipe, c'est la preuve que la mémoire n'est pas stockée dans les synapses. « Nous pensons qu'elle est stockée dans le noyau des neurones », écrivent les auteurs.

Des implications importantes pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, une maladie qui justement, s'attaque aux synapses : Ces résultats pourraient signifier que ces souvenirs ne sont pas perdus et que tant que les neurones sont encore en vie, la mémoire est toujours là, « quelque part », et les souvenirs récupérables.

Lorsque les chercheurs font l'expérience sur l'escargot, quelques chocs électriques, entrainant la libération de sérotonine, parviennent à restaurer sa mémoire, démontrant que des connexions synaptiques perdues peuvent être d'une manière ou d'une autre restaurées.

Alors d'aucuns diront qu'il ne s'agit finalement que d'escargot dans ces expériences. Cependant les processus cellulaires et moléculaires sont très similaires entre l'escargot marin et les êtres humains, précisent ls chercheurs, même si l'escargot compte environ 20.000 neurones et les humains environ 1 milliard. Chaque neurone ayant plusieurs milliers de synapses bien sûr.

En conclusion, le Dr David Glanzman, professeur de biologie, de physiologie et de neurobiologie à l'UCLA et auteur principal de l'étude reconnaît que c'est là une idée radicale, mais que c'est aussi la conclusion de ses recherches. En fait, à partir du moment où le système nerveux semble être capable de régénérer des connexions synaptiques perdues, la mémoire peut alors être restaurée.

Source: eLife November 17, 2014 DOI: org/10.7554/eLife.03896 Reinstatement of long-term memory following erasure of its behavioral and synaptic expression in Aplysia (Visuel@Christelle Nahas/UCLA)

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