MICROBIOTE INTESTINAL: Quel impact sur le lait maternel?
Comment le microbiote intestinal de la mère peut-il avoir un impact sur la composition microbienne du lait maternel ? C’est l’une des thématiques développées au « Gut Microbiota for Health » World Summit (Barcelone). Les experts rappellent que le microbiote intestinal de la mère a un impact important sur la composition microbienne du lait maternel, qui peut fournir aux intestins d'un bébé les bonnes bactéries qui ont des effets protecteurs contre un certain nombre de troubles. Car un bébé, consommant environ 800 millilitres de lait par jour, ingère entre une centaine de milliers et 10 millions de bactéries quotidiennement. Ces conclusions ouvrent des voies thérapeutiques prometteuses, les bactéries bénéfiques du lait maternel pouvant être utilisées dans la gestion des maladies immunitaires et infectieuses chez les mères et les bébés !
Alors que longtemps considéré comme stérile, le lait maternel a été documenté, par des études plus récentes comme contenant une grande quantité de bactéries parmi lesquelles des bactéries lactiques et des bifidobactéries. Un bébé, consommant environ 800 millilitres de lait par jour, ingère entre une centaine de milliers et 10 millions de bactéries quotidiennement.
« C'est vraiment une bonne nouvelle » car beaucoup de ces micro-organismes contribuent à protéger le bébé contre les infections et à favoriser le développement d'un système immunitaire efficace. Il a été longtemps suggéré que l'exposition d'enfants allaités à une telle diversité bactérienne diminue le risque de développer un certain nombre de troubles, parmi lesquels la diarrhée, des maladies respiratoires et des troubles métaboliques. Une partie des bactéries entrent dans le lait par le contact avec la peau de la mère et la bouche qui tète.
Quel chemin des intestins à la glande?
Tout ne peut pas se résumer à cela. Malgré des caractères communs, il existe aussi des différences considérables entre la composition du microbiote de la peau et celle du lait maternel comme le précise l'intervenant, le Dr. Jiménez : « Dans les échantillons de lait de la mère, nous avons trouvé des espèces de bactéries qui ne sont pas présentes sur le sein de la mère. De plus, les bifidobactéries qui font partie du microbiote du lait sont anaérobies. Ce facteur, à lui seul, fait de la peau ou de la bouche un environnement peu favorable pour ce type de bactéries. Ces découvertes désignent plutôt les intestins maternels comme la source d'au moins certaines bactéries du lait maternel. Bien que les mécanismes précis de ce transfert dans le corpsn'aientpas encore été complètementélucidés, plusieurs découvertes suggèrent déjà la façon dont celafonctionne :
Il semble que les cellules dentritiques, dont l'une des tâches est la détection de micro-organismespotentiellement nocifs, servent detransporteurs. Ces cellules sont capablesde passer à travers la paroi intestinale, tout en laissant intacte sa fonction de barrière, detransférerdes bactéries non pathogènesde l'intestin, versla circulation sanguine etla circulationlymphatique. Ellesatteignentainsifinalement la glande mammaireoù le lait est produit.
Outre lescellules dentritiques, les macrophages (un type deglobules blancs) jouent un rôle similaire.
« Nos découvertes et celles des autres groupes de recherche ont réuni les preuves que tout d'abord, il existe une voie reliant les intestins de la mère à la glande mammaire pendant la période de lactation et qu'ensuite, les cellules dendritiques et possiblement d'autres cellules mononucléaires servent, au sein de cette voie, de transporteurs de bactéries intestinales vivantes».
Effets positifs sur le bébé
Le lait maternel contient plusieurs types de bactéries qui peuvent être considérées comme des probiotiques, ce qui signifie que ces bactéries exercent des effets anti-infectieux, anti-inflammatoires et métaboliques sur le bébé.
Des chercheurs ont porté une attention particulière sur l'asthme et la dermatite atopique. Les bactéries du lait maternel pourraient améliorer voire même empêcher ces troubles. «Ce qui rend ces microbes particulièrement attirants comparés aux autres bactéries, c'est qu'ils sont d'origine humaine et qu'ils sont bien tolérés même par des organismes particulièrement sensibles comme ceux des bébés. Les bactéries du lait maternel sont adaptées de manière unique pour résider dans les intestins humains et pour une interaction avec nous dès notre naissance», précise le Dr. Jiménez.
La mastite : Ce trouble qui affecte jusqu'à un tiers des mères qui allaitent est souvent résistant à une thérapie par antibiotiques et constitue la raison principale pour laquelle les mères arrêtent d'allaiter. Les chercheurs ont découvert que certaines souches bactériennes du lait maternel, des lactobacilles comme L. salivarius, L. gasseri and L. fermentum peuvent agir comme des probiotiques pour la mastite. « Les études ont montré que les troubles des femmes qui ont ingéré ces bactéries pendant une période d'au moins trois semaines se sont beaucoup améliorés, tandis que les groupes placebo sont restés principalement inchangés ». Les bactéries probiotiques ingérées colonisent la glande mammaire par le chemin entéro-mammaire et une fois qu'elles ont atteint leur destination, elles réduisent les bactéries causant la mastite (staphylococci et streptococci).
Protéger les enfants du VIH
Le potentiel probiotique de l'allaitement peut aussi être utilisé pour mieux protéger les enfants contre le VIH-1 (le virus du SIDA le plus commun) de leurs mères infectées : « De récentes investigations in vitro ont révélé que certaines souches bactériennes obtenues à partir du lait maternel humain peuvent inhiber une infection à VIH-1 en renforçant la protection de la muqueuse du bébé contre le virus.». si les mécanismes sous-jacents doivent encore être explorés, il est déjà clair que l'interaction des bactéries comme L. salivarius avec des cellules dentritiques joue un rôle important pour éloigner l'ennemi viral de la muqueuse et réduire ainsi le facteur infectieux du VIH. Un autre point en faveur du lait maternel est le fait que la perméabilité intestinale diminue plus rapidement chez les enfants allaités que chez ceux nourris au biberon.
Certains composants du lait maternel accélèrent la maturation de la barrière intestinale. Au contraire, l'introduction de protéines alimentaires potentiellement nocives ou pathogènes alors que l'alimentation au biberon peut avoir l'effet opposé, ce qui permet au virus de passer plus facilement cette barrière. Cette théorie est étayée par le fait que les phases précoces de la maladie VIH sont accompagnées d'une défaillance de l'appareil digestif, ce qui entraîne des changements de la composition du microbiote intestinal. « Ces découvertes soutiennent l'hypothèse que les altérations du système digestif sont un facteur clé dans le développement du VIH et peuvent expliquer pourquoi les bébés qui sont exclusivement allaités ont un risque significativement inférieur d'être infectés par le VIH que les bébés qui sont nourris au biberon ou les deux ».
Un nouvel horizon de traitements possibles : le microbiote intestinal de la mère pourrait être modulé par des probiotiques afin d'améliorer le microbiote de la glande mammaire et d'augmenter la qualité du lait maternel favorisant la santé. Cela aurait à son tour un effet direct sur la santé du bébé.
Auteur : Esther Jiménez (Complutense Université de Madrid/ Espagne)
Communiqué 15 mars 2015 du 4ème Sommet Mondial sur le Microbiote Intestinal et la Santé
Références :
Fernández, Leónides et al. (2013): The human milk microbiota : Origin and potential roles in health and disease. (Le microbiote du lait humain : origine et rôles potentiels dans la santé et la maladie.) Pharmacological Research 69 (2013) 1–10 http://dx.doi.org/10.1016/j.phrs.2012.09.001
Plus d'études sur le Microbiote intestinal
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