MICROBIOTE INTESTINAL : Sa diversité est bénéfique pour la santé métabolique
Illustre inconnu il y a encore quelques années, le microbiote intestinal fait de plus en plus parler de lui. Bien que les applications issues de sa connaissance soient encore ténues, nul ne peut en ignorer l’importance aujourd’hui, y compris les médecins et diététiciens, au moins pour répondre aux questions des patients.
Le microbiote, ce sont d'abord des chiffres vertigineux : 100.000.000.000.000 de bactéries dans le tube digestif soit 10 fois plus que le nombre de cellules eucaryotes que comporte le corps humain, au moins 500.000 gènes/individu soit 20 fois plus de gènes que nos propres cellules, le tout représentant plus de 1.000 espèces différentes, au contact d'une muqueuse intestinale qui, toutes villosités déployées, représente une surface de 400 m2. Chacun d'entre nous possède environ 40% de gènes en commun, c'est-à -dire partagés avec 50% de la population, c'est ce que l'on appelle le métagénome. Parmi les autres éléments de vocabulaire, retenons le terme de Phyla pour classer les grands groupes de bactéries qui sont au nombre de trois : Firmicutes, Bacteroidetes et Actinobacteria.
Le microbiote et sa composition, en termes de diversité et de répartition des espèces, est propre à chacun d'entre nous, mais il n'est pas nous. Il nous est seulement lié dans la longue histoire de l'humanité et dans celle de chacun d'entre nous.
Pendant la vie in utero, l'embryon puis le fœtus sont stériles ; ils se « contaminent » dès la naissance. Si l'accouchement a lieu par voie basse, le nouveau-né va acquérir une flore proche de celle de sa mère lors de son passage par voie utéro-vaginale, alors qu'un accouchement par césarienne ne va pas induire l'acquisition d'une flore identique.
Puis l'allaitement maternel va permettre à la fois la transmission d'une flore maternelle (probiotique) présente dans le lait et de nutriments spécifiques utilisés comme substrat énergétique par le microbiote, appelés prébiotiques, ici en l'occurrence des oligosides de type galacto-oligo-saccharides
(G.O.S.).
D'autres facteurs tout au long de la vie vont moduler la composition du microbiote : c'est le cas
· des fibres alimentaires à effet prébiotique,
· mais aussi de l'antibiothérapie précoce (avant 2 ans),
· du tabac,
· de l'alcool,
· peut-être de certains médicaments (inhibiteurs de la pompe à protons),
· de certains « additifs » alimentaires (saccharine, émulsifiants…).
Ceci peut aboutir à une dysbiose caractérisée, soit par une prédominance ou une réduction de certaines espèces, soit par une perte de diversité. La perte de diversité semble aujourd'hui un facteur essentiel dans la qualité et les effets de cette flore.
En interaction avec la muqueuse intestinale, elle joue des rôles majeurs dans l'immunité locale et systémique puisque le G.A.L.T. ou « Gut Associated Lymphoid Tissue » est le plus gros organe lymphoïde de l'organisme. Elle joue un rôle dans l'effet barrière de cette muqueuse en contribuant à un mucus de qualité. Elle joue aussi un rôle dans les jonctions serrées des entérocytes et donc dans la perméabilité ou l'imperméabilité intestinale.
Les résidus polysaccharidiques (LPS) des bactéries gram négatif peuvent parvenir dans la lymphe par l'intervention des chylomicrons (transporteurs de triglycérides alimentaires) et contribuer à l'inflammation post-prandiale. Dans certains cas ce passage est accru, sous l'effet par exemple d'un excès de lipides, et participe à l'inflammation bas-grade observée dans de nombreuses pathologies métaboliques ou de surcharge. Le microbiote utilise comme substrat énergétique les glucides fermentescibles (fibres prébiotiques), ce qui aboutit à l'apparition d'acides gras volatils, c'est-à -dire d'acides gras à chaîne courte. Ceux-ci peuvent être absorbés et contribuer à positiver la balance énergétique. Les obèses en produisent plus, et de ce fait en absorbent plus. Mais ceci peut dépendre aussi de facteurs génétiques tels que ceux déterminant l'activité des gènes de l'amylase.
Les prébiotiques et le microbiote interviennent également dans la libération d'entéro-hormones, tels que le GLP1 qui agit sur le rassasiement et la production d'insuline. Il peut aussi moduler la libération de neuromédiateurs et de neuropeptides puisque l'intestin possède 100 millions de neurones. Il a enfin un rôle majeur dans la métabolisation intestinale de très nombreux nutriments et constituants alimentaires, depuis le cholestérol en passant par les lignanes, polyphénols, choline, amines… augmentant ou diminuant leur biodisponibilité.
Ainsi le microbiote est impliqué dans un nombre impressionnant de pathologies : obésité, diabète, stéatose hépatique, athérosclérose, anorexie mentale, autisme, maladies intestinales chroniques inflammatoires, intolérances alimentaires, allergies, anxiété et dépression… Il est modifié par la chirurgie bariatrique, ce qui peut être un des éléments explicatifs des effets rapides de cette thérapeutique.
Mais aujourd'hui, nous n'en sommes qu'aux prémices de cette révolution concernant la physiologie et la physiopathologie. Les applications sont encore modestes, mais elles ne sauront tarder.
Aujourd'hui il n'existe cependant pas encore de moyen en pratique courante pour analyser la composition de ce microbiote.
Ce que l'on peut déjà affirmer c'est :
- Le caractère favorable de l'allaitement maternel et le caractère péjoratif de l'antibiothérapie précoce.
- Le fait que le microbiote est fortement influencé par une alimentation riche en fibres, et que sa composition change plus vite que l'on pensait.
- Que la diversité bactérienne est un élément bénéfique pour la santé métabolique.
Source : La Lettre de la Nutrition- Lettre d'Information des Thermes de Brides-Les-Bains® N°18 – Septembre 2015 (Visuel@Fotolia)
Auteur : Jean-Michel Lecerf, Chef du service nutrition de l'Institut Pasteur de Lille
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