OPIOÏDES : Toutes les overdoses ne sont pas mortelles, mais toutes éreintent le cerveau
Au moins 80% des surdoses d'opioïdes ne sont pas mortelles, mais toutes font « des dégâts » au cerveau, c’est pourquoi ces chercheurs de la West Virginia University (WVU) travaillent, en pleine « crise des opioïdes » savoir comment ces overdoses affectent le cerveau. Leur méta-analyse, publiée dans la revue Drug and Alcohol Dependence confirme une corrélation entre overdoses aux opioïdes et déficiences cognitives, et engage à des recherches plus poussées sur ces conséquences cérébrales et cognitives.
Car les pharmacologues et les neurologues savent encore peu de choses sur la façon dont les surdoses d'opioïdes affectent le cerveau et la cognition. Les Drs Erin Winstanley et James Mahoney de la WVU School of Medicine, ont mené une revue systématique des études sur le sujet. Cette analyse suggère que s’il existe des preuves en faveur d’un lien entre les surdoses, les troubles cognitifs et les anomalies cérébrales, d'autres recherches sont nécessaires dans ce domaine.
Une overdose d'opioïdes n'est pas une condamnation à mort.
La revue des données épidémiologiques indique ainsi qu'aux États-Unis, seulement 4 % à 18 % des prises en charge à l’hôpital ou en service de soins d’urgence ou primaires (ambulance, SAMU au domicile) aboutissent au décès du patient.
Mais les surdoses non mortelles ? L’examen de 79 études sur les troubles neurocognitifs et les anomalies cérébrales associées aux overdoses d'opioïdes non mortelles chez l'homme révèle que quelle que soit la méthodologie ou le type d’étude, toutes s’accordent toujours sur une corrélation entre ces surdoses et ces anomalies cérébrales ou ces troubles cognitifs.
Une multitude de morbidités associées aux overdoses non mortelles par opioïdes : c’est la deuxième conclusion de cette analyse de la littérature, « une conclusion trop largement négligée du point de vue de la santé publique », écrivent les chercheurs dans leur communiqué.
« Nous devons d'abord sauver des vies. Mais nous devons également commencer à prêter attention à certaines de ces comorbidités. Compte-tenu du nombre de personnes ayant subi une overdose d’opioïdes non mortelle, les décès ne représentent que la pointe de l'iceberg ».
Cette moindre attention à ces comorbidités associées aux overdoses d’opioïdes est le fait de la recherche elle-même : seulement 27,8% des études sur le sujet s’intéressent à ces comorbidités associées ou rapportent des résultats de tests neuropsychologiques, 64,6% rapportent des résultats d'imagerie IRM du cerveau. De nombreuses études ne disposent pas de données pourtant essentielles, dont les scores de fonctionnement cognitif, de résultats de traitement après l’overdose ou encore de données de consommation préalable d’autres substances que les opioïdes.
Comme la recherche en toxicomanie, la recherche sur les opioïdes est compliquée par de nombreuses variables confusionnelles, explique le Dr Mahoney, professeur agrégé et neuropsychologue clinique au département de médecine comportementale et de psychiatrie de la WVU.
« La consommation concomitante d’autres substances est plus la norme que l'exception. »
L'overdose complique encore l’analyse avec des questions du type : combien de temps le cerveau a-t-il été privé d'oxygène ? Le patient a-t-il reçu un traitement adéquat à temps ? Combien de temps après l'overdose la neuroimagerie ou les tests cognitifs ont-ils été effectués ? Toutes ces variables peuvent également influencer les résultats d'une étude- ou du patient.
La méthodologie et les tests utilisés pour évaluer le fonctionnement cognitif du patient post-overdose impactent également les conclusions. Ces différences de méthodologie rendent impossibles la comparaison ou le rapprochement de différentes études.
En dépit de ces incohérences,
la grande majorité des études apportent des preuves des effets directs de l’overdose d’opioïdes sur l'apparence et/ou le comportement du cerveau de la personne.
Des changements qui peuvent influencer les fonctions d'attention, de mémoire, de fonction exécutive ou d'autres capacités cognitives plus complexes.
Les déficits neurocognitifs devraient être pris en compte en clinique, ajoutent les chercheurs, ne serait-ce que parce qu’ils influencent à leur tour les résultats des traitements. Ils interviennent aussi dans le processus de sevrage des personnes qui décident d’arrêter les opioïdes ou d’autres substances. L’idée serait de cibler les personnes présentant un risque plus élevé de troubles cognitifs, ces personnes-mêmes qui ont probablement subi 5 à 6 surdoses et de personnaliser leurs protocoles de traitement, en intégrant la prise en charge la plus précoce possible de ces déficits.
Enfin, l’équipe étudie également l'utilisation de la stimulation magnétique transcrânienne - une autre forme de neuromodulation - pour lutter contre la toxicomanie, et contre la dépendance aux opioïdes, ainsi que l’utilisation des ultrasons focalisés de faible intensité, rarement étudiés pour les troubles liés à l'utilisation de substances.
« En aidant à recâbler les zones du cerveau impliquées dans le désir et la cognition, telles que la désinhibition, la prise de décision, l'attention et les fonctions exécutives d'ordre supérieur, nous espérons améliorer le fonctionnement cognitif, ce qui optimiserait par la suite les résultats du patient ».
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