LECTURE, LANGAGE : Le cerveau est-il capable d'anticipation ?
Lorsque nous écoutons quelqu’un, nous pouvons parfois avoir le sentiment de savoir déjà ce qu’il va dire ensuite. Comment est-ce possible ? Une théorie de longue date voudrait que notre cerveau sache utiliser des indices dans une phrase pour estimer la probabilité des mots à venir. Mais ce n’est pas tout, la capacité d’activer un certain nombre d’informations, sur un mot probable mais avant qu'il n'apparaisse, nous permettrait d’intégrer plus rapidement sa signification, une fois dit et dans le contexte de l’ensemble de la phrase? Cette étude de l’Institut de recherche Max Planck remet en question ces capacités cérébrales de prédiction et de pro-activité.
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Sommes-nous capables de « pré-activer » systématiquement le sens et même la forme phonologique des mots à venir ? Les chercheurs allemands citent ici des références d’études ayant appuyé cette capacité de prédiction phonologique par l’estimation de la probabilité que l’interlocuteur utilise tel mot pour poursuivre sa phrase. « Certaines de ces études dont une publiée dans la revue Nature Neuroscience suggèrent même ces prédictions du cerveau sont très détaillées et peuvent même inclure le premier son du mot à venir », précise Mante Nieuwland, neuroscientifique à l'Institut Max Planck et à l'Université d'Edimbourg. Cependant, ces résultats n'ont jamais été explicitement reproduits depuis 2005, date de la sortie de l’étude.
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C’est l’entreprise de cette équipe scientifique qui tente, multisites, de répliquer ces résultats. Cependant l’étude actuelle décrit une fonction prédictive du système de langage humain différente de ce que l’on croyait. En synthèse, les chercheurs ont répliqué les méthodes de l’étude originale et mais ont utilisé des méthodes d'analyse actuelles donc améliorées. De plus, les chercheurs ont pré-enregistré leurs analyses, fournissant une preuve horodatée que leur analyse n'a pas été adaptée pour atteindre les résultats rapportés. En substance, il s’agit à nouveau d’une vaste étude d'imagerie cérébrale menée dans 9 laboratoires britanniques avec, au total, 334 participants (soit un échantillon 10 fois plus important que celui de l’étude d’origine). Les participants étaient invités à lire des phrases présentées au rythme d’un mot à la fois, tandis que leur activité cérébrale électrique était enregistrée. Chaque phrase contenait une combinaison attendue ou inattendue d'un article et d'un nom (par exemple, « Le jour était venteux, alors le garçon est sorti pour faire voler un cerf-volant »).
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Une suite de mots surprenante entraîne une activité cérébrale accrue :  les chercheurs constatent que les mots inattendus généraient une réponse cérébrale accrue par rapport aux mots attendus, tout comme dans l'étude originale. Néanmoins, cette réaction, expliquent les chercheurs, ne doit pas être attribuée à une capacité d’anticipation du cerveau. Car cette activité cérébrale est générée après la lecture du mot et pas avant. Et les différences d’activité cérébrale illustrent simplement la logique ou la difficulté d’une suite de mots.
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La réponse cérébrale ne précède pas la découverte du mot : la preuve clé d’une capacité de prédiction d'un mot encore invisible ou inconnu avait en effet été obtenue à l'origine sur les articles précédant un mot : par exemple l’utilisation de « a » ou « an » en anglais dépend du premier son du mot suivant. L’expérience de 2005 montrait que l’usage inapproprié de l’article suscitait une réponse accrue par rapport aux articles attendus. Ce qui soutenait une capacité de prédiction du cerveau. Ces nouveaux résultats qui montrent une réponse associée au mot déjà connu, soit a posteriori, et ne reproduisent pas une réponse précédant la découverte du mot, soit a priori, viennent donc contredire cette capacité d’anticipation du cerveau.
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Mais cela ne signifie pas que notre cerveau ne soit pas capable de prédiction dans le traitement du langage. En particulier parce qu’il a déjà enregistré, lors de précédentes lectures ou conversations, des modèles de suite de mots et de phrases qui reviennent plus fréquemment.  Mais notre cerveau n'est peut-être pas aussi pro-actif qu'on pouvait le supposer.
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