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MÉMOIRE : Comment le cerveau isole ou associe nos souvenirs ?

Actualité publiée il y a 6 années 4 mois 4 jours
Science
Chaque souvenir individuel est matérialisé par une plasticité synaptique spécifique

Cette recherche expérimentale menée sur la souris décrypte comment notre cerveau parvient à stocker et associer des souvenirs et, dans le même temps préserver l’identité et la mémoire de chaque souvenir en particulier. Ses conclusions, publiées dans la revue Science, font la démonstration, chez l’animal, qu’il est possible d’effacer un souvenir, sans toucher aux souvenirs associés. Une compréhension nouvelle du fonctionnement à la fois associatif et sélectif de notre mémoire qui pourrait trouver des implications dans le traitement de certains troubles psychiatriques, dont le syndrome de stress post-traumatique bien sûr.

 

Les souvenirs sont formés grâce à de changements à long terme dans la force synaptique, un processus connu sous le nom de plasticité synaptique, et sont stockés dans le cerveau dans des ensembles neuronaux spécifiques appelés cellules engrammes. Ces engrammes -ou traces mnésiques- peuvent être réactivés à l’occasion d'événements ou de stimuli déclencheurs. Lorsque 2 souvenirs sont associés, les engrammes correspondant à chaque souvenir se chevauchent. Cependant, chaque souvenir a sa propre identité. Comment le cerveau stocke-t-il et parvient-il à préserver l’identité de spécifique de chaque souvenir lorsque 2 d’entre eux sont associés ? Jusque-là c’était un mystère…

La suppression d'un souvenir est possible, sans toucher au souvenir associé matérialisé par la même population de neurones

 

 

L’équipe de recherche dirigée par le Dr Kaoru Inokuchi à l'Université de Toyama montre que nos souvenirs peuvent être associés par l’intermédiaire de réseaux neuronaux interconnectés mais que chacun d’entre eux conserve sa propre identité. Comment ?

 

Les chercheurs ont exposé des souris à un conditionnement de peur auditive, au cours duquel un son était associé à un petit choc au pied. La plasticité synaptique entre le cortex auditif et les neurones latéraux de l'amygdale interviennent dans cette association. Lorsque les chercheurs induisent ensuite une amnésie rétrograde complète chez la souris et stimulent par optogénétique le réseau synaptique identifié (cortex auditif – amygdale), ils ne parviennent pas à induire le rappel du souvenir de peur : l'engramme de ce souvenir n’existe plus dans ce circuit. Les chercheurs expliquent ce résultat par la réinitialisation, avec l’amnésie, de la force synaptique et de la connectivité fonctionnelle entre les engrammes.

 

Une association de souvenirs est matérialisée par des neurones communs dans l’amygdale : lorsque les souris sont conditionnées à la peur avec 2 sons différents, avec un intervalle de 5 heures entre chaque conditionnement, il existe une association entre les 2 souvenirs de peur et les 2 engrammes se « chevauchent » dans l’amygdale : les deux souvenirs ont été bien été codés par des neurones communs dans l'amygdale latérale (mais par des neurones différents dans le cortex auditif). Les scientifiques montrent que l'amnésie ou l’effacement d’un des 2 souvenirs de peur n’affecte pas le souvenir associé encodé dans l’amygdale, suggérant ainsi que les souvenirs y sont stockés par l’intermédiaire de synapses bien spécifiques.

 

Chaque souvenir individuel est matérialisé par une plasticité synaptique spécifique : Comment chaque souvenir préserve-t-il son identité au sein de l'ensemble partagé ? En utilisant une technique d’extinction de la force synaptique (optical long-term depression – LTD/ voir visuel ci-dessous « freezing ») sur des synapses spécifiques à certains souvenirs, les chercheurs montrent que cette suppression de la force synaptique efface la connectivité dans l’engramme, mais sans toucher au souvenir associé matérialisé par la même population de neurones. Cela suggère que le partage des cellules d’engrammes matérialise l’association ou le lien entre les 2 souvenirs, alors que la plasticité spécifique aux synapses garantit l'identité et le stockage des souvenirs individuels.

 

Que nous apprennent ces travaux ? Ils démontrent que la plasticité spécifique aux synapses est nécessaire et suffisante pour le stockage d’un souvenir en particulier et qu’elle garantit l'unicité de la trace mnésique. Qu’il est possible d’effacer spécifiquement un souvenir même s’il est associé, par l’intermédiaire d'un réseau d'engrammes, à d’autres souvenirs.

 

De là, on l’aura compris, il existe des implications thérapeutiques pour effacer les mauvais souvenirs et traiter certains troubles psychiatriques dont le syndrome de stress post-traumatique.


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